05 septembre 2016

Le radicalisme et le mouvement ouvrier, genevois et suisse


La fondation d’un Parti radical de gauche (PRG) par plusieurs individus ayant quitté le DAL, l’une des composantes d’Ensemble à Gauche, n’aura sans doute pas passé inaperçue au près de nos lecteurs. Nous ne reviendrons pas ici sur les péripéties et les polémiques autour de cet épisode, sujet à vrai dire totalement dénué d’intérêt. La seule question qui nous intéressera est politique : qu’est-ce que cela signifie exactement un Parti radical de gauche ? Le rapprochement le plus immédiatement tentant serait avec le Parti radical de gauche français, filiation que les intéressés dénient. Mais quand on y pense, il existait il n’y a pas si longtemps à Genève un parti avec l’acronyme de PRG, le Parti radical genevois, qui n’a jamais été, aussi longtemps qu’on s’en souvienne, un parti de gauche. Mais c’est bien de son héritage que le nouveau PRG se réclame. Ainsi qu’il est écrit sur sa page facebook : « Amusant de constater que depuis la création du Parti Radical de Gauche, certains tiennent absolument à croire (ou faire croire) que nous sommes inspirés par le PRG français. Pourquoi le serions-nous? Nous vivons à Genève, et c’est Genève qui nous inspire. Et plus particulièrement la révolution fazyste et le radicalisme genevois d’origine, celui à qui on doit la création de l’Hospice Général, ou encore des Rentes Genevoises. Un radicalisme qui n’a plus rien à voir avec celui qui a été dissous dans le libéralisme arrogant du PLR et qui a perdu ses racines sociales. Le PRG voit ainsi un lien fort entre 1846 et 2016, et exprime le besoin d'une nouvelle révolution, démocratique et pacifique. » 

Le PRG historique, le Parti radical genevois, avait-il jamais eu des « racines sociales » qui pourraient servir d’inspiration à une gauche conséquente de nos jours ? Examinons la question. En 1846, les radicaux genevois (par « parti » on désignait en ce temps une mouvance aux contours assez mouvants, les partis politiques au sens modernes n’apparaîtront que vers la fin du XIXème siècle, forme inaugurée par les partis socialistes, que les partis bourgeois durent copier), rassemblés autour de James Fazy accomplirent à Genève une révolution démocratique bourgeoise, mettant fin au régime oligarchique et censitaire antérieur, et mettant en place une Constitution garantissant le suffrage universel et les droits individuels issus de la pensée libérale, comme la liberté d’expression, d’association, de croyance, etc. Ce sont également les radicaux qui accomplirent une révolution semblable au niveau suisse, au lendemain de leur victoire lors de la guerre du Sonderbund. Il est exact également que la révolution radicale partit du quartier ouvrier de Saint-Gervais, et que de nombreux travailleurs combattirent pour elle. Il est tout également exact que ce sont les radicaux qui accompliront la séparation des églises et de l’Etat, qui feront de Genève un canton officiellement laïque, qui fonderont l’école publique et obligatoire, et enfin qui mettront en place quelques mécanismes d’assistance, comme l’hospice général.


Soit, mais cela en fait-il un parti de « gauche » au sens où on l’entend aujourd’hui, un parti ayant eu des « racines sociales » et pouvant servir de modèles pour la gauche au XXIème siècle. Certainement pas ! Le parti radical de James Fazy était sans aucun doute possible un parti bourgeois, et n’était révolutionnaire que dans la mesure où la bourgeoisie était alors révolutionnaire. Il s’agissait alors de réaliser une révolution démocratique bourgeoise, et de briser ainsi les entraves du régime antérieur, caractérisé par un droit fondé sur les privilèges. Mais l’idéal de James Fazy était clairement une société libérale, avec pour loi le libre marché et pour modèle les Etats-Unis d’Amérique. Ainsi qu’il l’écrivait lui-même : « Le plus heureux [exemple] a été celui adopté nettement par les Etats de l’Amérique du Nord, lorsqu’ils se sont constitués, pendant qu’ils recouvraient leur indépendance. […] Le corps social était formé par ce fait que chaque individu dont on avait garanti l’existence libre en société n’avait aucun intérêt à entraver les conditions qui devaient donner la vie à cette société. Sûr d’être respecté dans sa liberté individuelle, dans celle de son industrie, dans la propriété, fruit de ses travaux, dans la libre manifestation de sa pensée, dans le libre exercice de sa religion, certain d’être protégé contre toutes les injustices, et assuré qu’il aurait une part égale dans l’établissement des formes gouvernementales et dans leur marche qu’il serait également accessible à toutes les fonctions, l’individu n’avait plus d’objections contre une telle société ». N’oublions pas que ce beau modèle sont les USA du XIXème siècle, pays de l’esclavage, des « barons voleurs » et de l’expansion vers l’Ouest doublée du génocide des peuples autochtones…

La pensée économique de James Fazy n’est pas non plus pour déplaire aux banquiers encartés au PLR : « Le Français, l’Irlandais, l’Allemand, le Suisse traversent souvent les mers, affrontent la misère et mille dangers pour aller fertiliser des terres en Amérique, plus difficiles à défricher que celles qui restent incultes dans leur propre pays. Dois-je le dire, cela n’est dû qu’à la libre industrie des banques : partout où elle règnera, tout ce qui peut être exploité le sera. Et les banques, établies jusque dans les moindres villages des Etats-Unis de l’Amérique, ont plus influencé l’augmentation de bien-être et de population qui se remarque dans ces contrées, que toutes les autres libertés dont jouissent leurs heureux habitants ». La « libre industrie des banques », une idée d’avenir, surtout après la crise de 2008 ! N’oublions pas non plus les polémiques de Fazy contre le socialisme, qui « transformerait la société en un immense couvent ».


Parti foncièrement libéral, le Parti radical fut presque toujours opposé, aux revendications sociales et économiques de la classe ouvrière. Contrairement à la légende officielle, le peu d’acquis sociaux et de lois protégeant les travailleurs qui existent dans notre pays n’ont nullement été concédés par les radicaux, presque toujours opposés ( !), mais ont été gagnés de haute par la classe ouvrière à travers ses propres organisations, dont le Parti du Travail. Quant au caractère « populaire » de la révolution radicale de 1846, elle ne signifie que ce que signifient les mots suivants du Manifeste du Parti communiste : « la bourgeoisie qui, pour atteindre ses fins politiques propres, doit mettre en branle le prolétariat tout entier, et qui possède encore provisoirement le pouvoir de le faire ».

On nous objectera peut-être qu’il a bien existé à Genève un « radicalisme de gauche » en la personne de Georges Favon, qui se disait à la fois radical et socialiste, et plaidait pour la création d’assurances publiques et obligatoires, ainsi que quelques nationalisations. Toutefois, ce « socialisme » de Favon, formulé à une époque où la classe ouvrière disposait déjà de son propre parti, le Parti socialiste suisse, ne visait nullement à construire une société socialiste, mais à corriger quelque peu les injustices de la société capitaliste pour en désamorcer les contradictions de classe, et par là lui permettre de subsister. Ainsi que l’écrivait Georges Favon : « C’est en vertu de l’accord de toutes les forces sociales : cantons et communes, patrons et ouvriers, riches et prolétaires, que se résoudront pacifiquement par le libre jeu du suffrage universel, ces problèmes d’une actualité brûlante et qui s’imposent à la conscience collective. Oui, le rôle supérieur de l’Etat, envisagé comme une synthèse de justice et des intérêts populaires, consiste à intervenir efficacement dans tous les domaines où l’initiative privée a démontré son impuissance ». Il s’agissait évidemment de conjurer le péril que représentait pour la bourgeoisie la révolution socialiste, dont le Parti socialiste suisse voulait alors encore être porteur : « Peut-être certains rêvent-ils la révolution ? Que ceux-là me considèrent alors comme un adversaire, car, à l’heure actuelle, une révolution sociale m’apparaîtrait comme une catastrophe destinée à retomber surtout sur les faibles et les petits qu’on prétend servir. Je comprends les illusions généreuse, les fièvres de justice, les impatiences de la misère, mais je crois qu’il faut contenir les révoltes, même justifiées en partie, quand elles ne peuvent que nuire…Radical et socialiste, je suis et je reste ». Or, un tel socialisme est au mieux une « illusion généreuse », bien-intentionnée mais utopique, et au pire une arme aux mains de la bourgeoisie pour anesthésier la classe ouvrière, un mensonge visant à préserver l’ordre établi en le repeignant en rose pâle. Du reste, le parti radical, suisse comme genevois, ne voulut jamais mettre en application aucune des idées socialisantes de Favon…

Quant à la classe ouvrière suisse, elle fut longtemps sous l’emprise politique de la bourgeoisie radicale, et par là politiquement impuissante. Elle ne put acquérir son autonomie politique et défendre ses intérêts qu’en se groupant dans ses propres organisations, indépendamment et contre le radicalisme, fût-il « gauchisant » ou « socialisant ». Une rupture qui fut longue et difficile. Le Parti socialiste suisse fut fondé plus tard, et plus difficilement que d’autres partis de la IIème Internationale, et vit longtemps sa combativité paralysée et sa pensée émoussée par sa puissante aile droite institutionnalisée, foncièrement réformiste et influencée par le radicalisme, qu’était le Grütliverein. Quoi qu’il en soit, tout ce que la classe ouvrière suisse et genevoise ait jamais obtenu, c’est à travers ses propres organisations, en renonçant à l’idéologie radicale du « peuple indivis » et du républicanisme abstrait au profit de la lutte de classe dont elle faisait quotidiennement l’expérience, et se fixant pour objectif le socialisme, le véritable socialisme, obtenu par le renversement du régime capitaliste, et non son vain aménagement.

Alors à quoi cela rime-t-il de constituer un Parti radical de gauche, s’inscrivant dans l’héritage du Parti radical de James Fazy ? Cela reviendrait à vouloir revenir à ce stade où le prolétariat, dépourvu d’organisations propres, était sous l’hégémonie idéologique et politique de la bourgeoisie. Un projet assurément très « moderne »…En tout cas, un projet qui ne saurait être le nôtre. C’est de la rupture, d’abord avec le radicalisme bourgeois, ensuite avec le réformisme social-démocrate que nous sommes les héritiers, pas du radicalisme bourgeois. Notre bannière était et demeure la bannière rouge de Marx, Engels de Lénine. Il n’est pas question de la troquer pour celle, bleue, de Fazy, Carteret et Favon, ni de mêler drapeaux rouges et bleus, ni maintenant, ni jamais.



Oui à AVS+, un premier pas vers de véritables retraites populaires !

Un véritable vol des rentes ! Il n’y a pas d’autres mots pour qualifier ce que prépare la majorité de droite aux chambres fédérales. La Commission de la sécurité sociale a en effet décidé de rendre encore pire le projet pourtant déjà scandaleux intitulé « Prévoyance vieillesse 2020 », plus connu sous le nom de « Paquet Berset », du nom du conseiller fédéral « socialiste » (paraît-il) qui le porte : baisse du taux de conversion des rentes du deuxième pilier à 6% (ce qui représente une perte nette de 12%) sans aucune compensation, suppression de la rente de veuve, augmentation échelonnée de l’âge de la retraite à 67 ans pour toutes et tous (ce dans un pays où il est pour ainsi dire impossible de trouver du travail passé 50 ans)…Tel est le projet politique des fondés de pouvoir du grand capital : toujours moins d’impôts pour les plus riches et les grandes entreprises, toujours plus d’austérité pour les autres.

Face à ce projet de démantèlement en règle, que les chambres fédérales traiteront cette session d’automne, l’initiative syndicale AVS+ apparaît pour les classes populaires comme un indispensable moyen de contre-attaque. Le but de l’initiative est simple : augmenter les rentes AVS de 10% (en moyenne CHF. 200.- par mois pour les personnes seules et CHF. 350.- pour la plupart des couples). Le financement de cette augmentation sera garanti par une petite augmentation des cotisations, 0,4% de part salariale et 0,4% de part patronale. Cela coûtera environ 16 francs par mois pour un salaire de Fr. 4’000.-. Avec ces rentrées supplémentaires, il ne sera pas seulement possible d’augmenter les rentes, mais même de couvrir l’augmentation des coûts liée au vieillissement de la population.
Comme il fallait s’y attendre, la droite est montée au créneau comme un seul homme pour combattre cette initiative, pourtant tout ce qu’il y a de plus réaliste et modéré, avec des arguments délirants mais très habituels, car réutilisés ad nauseam à chaque fois qu’il s’agit de s’opposer à la moindre avancée sociale. L’initiative AVS+ ne serait apparemment pas la bonne solution, pour tout un certain nombre de raisons…Et quelle solution proposent les auteurs de ce genre de critiques ? On l’a vu, c’est le vol des rentes, et rien d’autre ! L’initiative AVS+ coûterait trop cher, serait ruineuse pour l’économie, à en croire certaines affiches. C’est ce qu’ils disent à chaque combat pour la moindre avancée sociale depuis plus d’un siècle. On en vient à s’en demander comment l’économie suisse ne s’est pas effondrée depuis. L’hypocrisie des fondés de pouvoir du grand capital ne connaît décidemment aucune limite.

Bien au contraire, il faut le réaffirmer avec force, revaloriser les rentes AVS est une revendication à la fois juste et nécessaire. Faut-il rappeler que l’article 112, alinéa b., de la Constitution fédérale, portant sur l’Assurance-vieillesse, survivants et invalidité, dit clairement que « les rentes doivent couvrir les besoins vitaux de manière appropriée » ? La majorité de droite au pouvoir dans ce pays s’est estimée dispensée de devoir appliquer cet article de la constitution, et a encore l’outrecuidance de s’opposer à une revalorisation modeste d’à peine 10% des rentes AVS, ce qui est pourtant loin d’être suffisant pour remplir le mandat constitutionnel.

Renforcer l’AVS est à la fois un droit de tous les retraités de toucher une retraite digne, ce qui est loin d’être le cas actuellement, et un pas, certes modestes, vers de véritables retraites populaires, pour lesquels notre Parti se bat depuis sa fondation. L’AVS, système de retraites par répartition est le système de protection sociale non seulement le plus avancé et le plus juste qui existe dans notre pays, mais aussi le plus sûr et le plus efficace, contrairement au deuxième pilier, basé sur la capitalisation, et entièrement dépendant des placements boursiers, qui n’est intéressant que pour le capital financier, à la disposition duquel il met l’épargne forcée des travailleurs. Celles et ceux qui cotisent au deuxième pilier, par contre, n’ont aucune garantie de toucher un jour leur retraite, ou plutôt ont de grandes chances de ne jamais rien toucher.

Il n’est que grand temps de remplacer ce système hybride par de véritables retraites populaires, selon un système par répartition intégrale, qui assure à toutes et tous une retraite digne. L’initiative AVS + est un premier pas dans cette direction. Face à une droite qui a pour projet une société qui n’est hospitalière que pour une toute petite minorité de possédants, laissant les autres à leur sort, notre Parti continuera à se battre avec détermination pour un avenir où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous, et notamment pour des retraites dignes et sûres.

NON à la loi sur le renseignement! Non à l’Etat Big Brother !

Le 25 septembre prochain, nous sommes appelés à nous prononcer sur la nouvelle loi fédérale sur le renseignement (LRens). La majorité de droite au pouvoir, mais aussi une partie de « gauche » gouvernementale, appelle à voter OUI, avec des arguments lénifiants, disant que cette loi serait parfaitement modérée et raisonnable, ne viserait qu’à garantir notre sécurité, et que personne à part les terroristes n’en serait lésé. Notre Parti a, au contraire, soutenu le référendum, et avec raison.

Selon cette loi, en effet, le service de renseignement de la Confédération (SRC) devrait pouvoir surveiller les communications de manière élargie (écoutes téléphoniques, lectures de courriels et de courriers) et observer des faits dans des lieux privés, notamment en posant des micros, y compris dans des logements privés. De plus, il devrait être possible de perquisitionner secrètement des systèmes informatiques et d’y installer des chevaux de Troie. En d’autres termes : si la loi passe, les services de renseignement pourraient à l’avenir pénétrer dans la sphère privée des citoyens, et ce, en l’absence de délit suspecté. Et s’il est vrai qu’un juge du Tribunal fédéral administratif devrait donner son approbation à de telles mesures, il ne disposera pour ce faire que de la version donnée par le SRC.

Nous n’avons aucun doute sur le fait que cette révision de la loi n’ait nullement pour but exclusif de combattre la « menace terroriste », mais vise avant tout toute contestation de l’ordre établi. Nous n’oublions pas en effet que le SRC vient d’un regroupement de la police fédérale avec le contre-espionnage. Or la police fédérale a toujours été la police politique de la grande bourgeoisie suisse, dont l’une des tâches principales était de ficher les militants du Parti du Travail, de défendre l’ordre établi contre quiconque le conteste. Nos adversaires prétendent que les leçons ont été tirées du scandale des fiches et jurent que jamais pareille chose ne se reproduirait. Vraiment ? C’est là se moquer du monde ! Oublie-t-on qu’on a récemment appris que le SRC continue de ficher près de 200'000 personnes pour leurs opinions politiques ? Révélation que a été faite dans l’indifférence générale. Oublie-t-on que l’« extrémisme de gauche » n’est pas loin d’être considérée comme la principale menace pour le pays dans le rapport annuel du DDPS ? Ce n’est du reste que très logique. Les services secrets d’un Etat bourgeois sont par définition une émanation dudit Etat, un Etat de classe dont la vocation première et de maintenir la domination de classe de la grande bourgeoisie. Les services secrets, par leurs pouvoirs étendus, par le secret qui les entoure justement, constituent l’aspect le plus dangereux de cet Etat, car pratiquement soustraits à tout contrôle populaire possible. Aux USA ils ont même évolué en un véritable Etat dans l’Etat.

Pour voir clairement la direction dans laquelle la classe dirigeante de notre pays veut nous mener, il suffit de regarder l’exemple de deux pays, lest USA et la France, qui ont mis en place des lois similaires à la LRens bien plus tôt. Les USA ont mis en place le Patriot Act sous la présidence de George W. Bush, et la France toute une série de lois sécuritaires sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, dans les deux cas au nom de la « sécurité ». Ces deux pays n’en sont pas devenus plus sûrs. Les dispositions extraordinaires offerts aux « forces de l’ordre » n’y ont guère permis d’empêcher d’attentats, et aux USA c’est la police qui tue presque quotidiennement des citoyens, la plupart du temps afro-américains, arbitrairement et impunément. En revanche, ce sont les droits fondamentaux des citoyens de ces pays qui sont remis en cause, de l’habeas corpus à la présomption d’innocence, au point de les faire glisser doucement vers la dictature. Le débat actuel en France, vivant sous le régime de l’état d’urgence, sur les « fiches S » est tout à fait révélateur. Pour être fiché S, un simple soupçon d’un seul policier suffit. Aujourd’hui, on débat sérieusement quant au fait s’il ne faudrait pas interner celles et ceux qui sont fichés S dans des camps, indéfiniment et sans procès.


Un des fondateurs du libéralisme classique, Benjamin Franklin, avait dit «  toute société qui renoncerait à un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mériterait ni l’un ni l’autre et finirait par perdre les deux ». Mais aujourd’hui que son régime est en crise et sa domination tendanciellement menacée, la bourgeoisie jette la bannière des droits individuels fondamentaux, exception faite du seul droit de propriété, par dessus bord, et compte sur des formes de plus en plus avouées de dictature pour se maintenir au pouvoir. Cette bannière de la liberté, c’est à nous qu’il revient de la porter aujourd’hui. Ainsi que l’a dit Edward Snowden, traqué par le bras armé de la bourgeoisie étatsunienne pour avoir confirmé au monde la réalité et l’étendue de son système de surveillance : « Prétendre que votre droit à une sphère privée n’est pas important parce que vous n’avez rien à cacher n’est rien d’autre que de dire que la liberté d’expression n’est pas essentielle car vous n’avez rien à dire ». Pour que la Suisse ne devienne pas une dictature policière, ce sera résolument NON à la LRens !

Seule une économie socialiste saurait être une économie verte ; OUI à l’initiative des Verts pour aller au delà !

Contrairement à ce que l’on croit parfois, l’écologie n’est pas pour le marxisme un thème nouveau. Déjà Marx lui-même écrivait dans le premier livre du Capital : « Tout progrès dans l’agriculture capitaliste est non seulement un progrès dans l’art de piller les travailleurs, mais aussi dans l’art de piller le sol ; tout progrès dans l’accroissement de sa fertilité pour un laps de temps donné est en même temps un progrès de la ruine des sources durables de cette fertilité. Plus un pays, comme par exemple les Etats-Unis d’Amérique part de la grande industrie comme arrière-plan de son développement, et plus ce processus de destruction est rapide. Si bien que la production capitaliste ne développe la technique et la combinaison du procès de production sociale qu’en ruinant dans le même temps les sources vives de toute richesse : la terre et le travailleur. » Sans doute n’en n’a-t-on pas toujours tiré toutes les conséquences au XIXème ni durant une bonne partie du XXème siècle. Les pays socialistes existant et ayant existé ont également bien souvent privilégié leur nécessaire développement économique, sans toujours tenir compte des dégâts environnementaux occasionnés, mais sans non plus que leur bilan en matière d’écologie soit entièrement négatif, loin de là. On oublie aujourd’hui un peu vite que la préservation de l’environnement a été un thème réellement débattu en URSS, et que par exemple un mouvement d’intellectuels a convaincu la direction du PCUS à renoncer à un projet très controversé de détourner le cours de grands fleuves sibériens. On ne souvient guère non plus que certaines idées considérées aujourd’hui très modernes et à l’avant-garde écologique, comme la polyculture, furent développées à l’origine par le savant soviétique tant décrié Trofim Lyssenko. On ne parle guère non plus des réalisations remarquables de la République de Cuba dans ce domaine.

Quoiqu’il en soit le problème est aujourd’hui si criant qu’il faut la mauvaise foi de quelques climato-sceptiques issus de la droite étatsunienne pour le nier : l’objectif du profit maximum à tout prix, qui est le seul que le capital saurait poursuivre, a poussé les grands monopoles privées, qu’on appelle plus usuellement multinationales, à poursuivre un modèle productif gaspilleur et désastreux, cause de dérèglement climatique, de dilapidation des ressources naturelles, de saccage de l’environnement et de pollution à large échelle. A terme – un terme bien plus cour que la plupart des gens le croient, quelques dizaines d’années tout au plus – ce modèle remet en cause la survie même de notre espèce. Ainsi, par exemple,  si toute la planète avait le même niveau de consommation que la Suisse, elle aurait besoin de l’équivalent en ressources de deux terres et demi.

Pour faire face à ce problème, le parti des Verts a lancé une initiative populaire intitulée « Pour une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources (économie verte) », sur laquelle nous voterons ce 25 septembre. Le but de l’initiative est de réduire l’empreinte écologique de la Suisse à l’équivalent d’une planète d’ici 2050, et pour ce faire mettre en place une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources, évitant la formation des déchets dans la mesure du possible (recyclage entre autres), fondée sur une gestion économe des ressources et évitant de nuire à l’environnement. C’est là un objectif absolument nécessaire, et qu’on ne peut que fermement soutenir. Pour mettre en œuvre ces principes, la Confédération fixe des objectifs à long terme. Si ceux-ci ne sont pas atteints, la Confédération, les cantons et les communes peuvent prendre des mesures supplémentaires, notamment l’encouragement à la recherche et à la production de certains biens et services, mettre en place des normes ou prendre des mesures fiscales. On le voit, si le principe est très juste et ambitions, les mesures concrètes pour le mettre en place sont beaucoup plus floues et devraient être définies par une loi d’application, avec une marge d’interprétation assez large laissée aux chambres fédérales.

La majorité de droite des dites chambres fédérales, qui serait chargée le cas échéant d’élaborer une loi d’application, n’a pas de mots assez durs pour rejeter cette initiatives. Les affiches de droite contre cette initiative des verts, qu’on voit fleurir un peu partout, sont absolument délirantes : on serait le cas échéant interdits de se déplacer, empêcher de manger de la viande, voire purement et simplement ligotés…ce niveau de mauvaise foi est assez impressionnant il faut dire. M. Benoît Genecand, conseiller national PLR, tient un raisonnement intéressant dans les colonnes du Temps du mardi 23 août 2016. Il admet sans réserve la réalité du problème, comme la nécessité du remède proposé par les Verts. Mais ce remède il le refuse, car son application serait trop difficile et trop contraignante pour l’ « économie » (serait mauvaise pour les profits de l’oligarchie en jargon néolibéral). Comme l’a dit très justement l’auteur d’une lettre de lecteur, l’attitude de M. Genecand est comparable à celle de quelqu’un qui aurait une carie, en souffrirait, reconnaîtrait la nécessité de se faire soigner…mais refuserait par peur de la douleur que pourrait lui occasionner l’opération (et ne parlons même pas de la douleur due à la facture que l’individu en question devrait payer de suite et de sa poche…problème dont le parti de M. Genecand nie obstinément l’existence). Ou pour le dire plus sérieusement, l’attitude de la classe dirigeante capitaliste, suisse comme mondiale, se résume par la maxime « après nous le déluge ». Cette oligarchie sait très bien qu’elle mène l’humanité à l’extinction…mais refuse obstinément de dévier de sa voie, au nom du profit maximum à court terme ! Une classe dirigeante aussi obtuse et inepte, qui n’est même pas capable d’assurer la survie de la société qu’elle domine, ni même la survie de ses propres descendants, ne montre par là que le maintien de son existence est incompatible avec celle de la société, et qu’elle doit donc être urgemment détrônée.


Pourtant, à regarder de près le texte de l’initiative, qui laisse une large marge d’interprétation au législateur, et surtout à écouter le discours de certaines figures de proue du parti des Verts, on comprend mal ce qui peut bien provoquer l’ire de la droite. La conseillère nationale Adèle Thorens notamment défend une interprétation aseptisée et lénifiante de l’initiative de son parti, une interprétation entièrement compatibles avec les intérêts du capital et le néolibéralisme, et reposant sur la coopération volontaire des entreprises, y compris des multinationales, qui dispenserait de devoir prendre des mesures contraignantes. Car, comme le dit Mme Thorens « les écologistes ne sont pas des ayatollahs intégristes déconnectés de la réalité ».

Alors où est le problème pour la droite ? C’est qu’il y a là une contradiction qui est inscrite au cœur de l’initiative, et qui est aussi consubstantielle du parti que sont les Verts. En effet, pour promouvoir leur initiative, les Verts genevois ont choisi une stratégie quelque peu différente de celle, lénifiante, de Mme Thorens : organiser des projections gratuites de l’excellent film Demain. Or ce film, loin de ménager les intérêts et la susceptibilité des puissants, montre de façon univoque le rôle entièrement nuisible des monopoles privés et d’une économie fondée sur le seul impératif de la reproduction élargie du capital, et donc en creux la nécessité de s’en débarrasser, ainsi que la nécessité de remplacer la dictature oligarchique de fait par une authentique démocratie. Or, pour atteindre ces objectifs, les quelques moyens préconisés explicitement au sein du film, comme l’agriculture écologique et durable, les monnaies locales, les coopératives, le tirage au sort…ne sauraient être opérants ni suffire sans les nécessaires mesures que sont la socialisation des monopoles privées et le renversement du pouvoir de l’oligarchie pour le remplacer par un authentique pouvoir populaire. En clair, une révolution socialiste.

Et c’est là qu’est la contradiction des Verts et de leur initiative. Ils proposent un projet très juste et nécessaire, mais dont la réalisation exige une rupture avec l’ordre existant. Mais les Verts n’ont nullement montré malheureusement jusque là leur volonté d’aller jusqu’au bout dans cette direction. Aussi, certains de leurs dirigeants reculent devant les conséquences de leur texte, et tentent d’en masquer la radicalité avec des interprétations lénifiantes. Mais la droite n’a pas tort dans la mesure où elle n’est pas dupe : cette radicalité est bien là, inscrite noir sur blanc dans le texte de l’initiative. C’est pourquoi elle la combat avec tant de haine. Même si elle aurait tout loisir de rédiger une loi d’application qui viderait l’initiative des Verts de tout contenu, n’empêche que resterait dans la Constitution fédérale un article qui au nom de la survie même de notre espèce impose une rupture avec l’ordre établi. Non pas que la majorité de droite se sentirait jamais contrainte par cet article, au nom du respect de la démocratie. Mais le seul fait qu’il existe serait pour elle inacceptable, puisque cet article servirait d’arme politique aux forces qui le veulent voir appliqué et ne reculent pas devant ses conséquences.

Car, non, il ne saurait y avoir de capitalisme vert, pas plus qu’il ne saurait y avoir de capitalisme social. Le capitalisme est nécessairement régi par la loi de la recherche du profit maximum à tout prix, et de ce fait ne peut exister qu’en détruisant les deux sources de toute richesse, la terre et le travailleur. Le capitalisme actuel décadent du capital financier et des multinationales en particulier ne peut continuer à subsister quelque temps encore qu’en produisant toujours plus de misère et de dévastation de la biosphère, jusqu’à rendre la planète inhabitable si on le laisse continuer. Espérer résoudre le problème avec la collaboration volontaire de ceux qui en sont la cause, les monopoles privés, ce n’est pas seulement être en dehors de la réalité, c’est aussi faire preuve d’un fanatisme ni moins irrationnel ni moins dangereux que celui du plus réactionnaire des ayatollahs, celui de la foi dans la main invisible du libre marché qui comme par miracle amènerait toutes choses à l’harmonie. C’est pourquoi, nous devons résolument soutenir le combat des Verts dans ce qu’il a indiscutablement juste, mais pour aller au delà de où les Verts sont disposés à aller, jusqu’à son aboutissement nécessaire. C’est un combat que notre Parti est prêt à mener.