11 juillet 2016

Début de la fin du Saint-Empire capitaliste eurocratique




Malgré toutes les pressions, malgré tous les cris d’orfraie des européistes de toute sorte, malgré les sondages de dernière minute, le peuple britannique se sera prononcé à une majorité certes pas écrasante mais claire et avec une participation très importante pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne : le Brexit.

Cette décision souveraine du peuple britannique a soulevé une véritable hystérie dans les classes dirigeantes d’Europe, mêlant mépris de classe même pas déguisé et haine de la démocratie déclarée. Tous y sont allés de leur couplet, de l’inénarrable BHL, au pathétique Cohn-Bendit – « le peuple n’a pas toujours raison » –, en passant par l’ « analyste » (paraît-il) néo-libéral Alain Minc – « Ce référendum n'est pas la victoire des peuples sur les élites, mais des gens peu formés sur les gens éduqués ». Comme à chaque fois que le peuple est appelé à voter, et a l’outrecuidance de ne pas voter comme les eurocrates le voudraient, c’est le même cinéma révoltant. Si le peuple a voté autrement que ce que l’on voulait, c’est qu’il aurait « mal compris », qu’on lui aurait « mal expliqué », que le sujet était « trop compliqué », qu’il n’aurait pas vraiment répondu à la question posée, aurait voté de façon purement émotive et irrationnelle (euphémisme poli pour ne pas dire que le peuple est simplement stupide)…l’idée que le corps électoral puisse simplement voter en connaissance de cause l’option contraire à celle préconisée par ses dirigeants ne semble même pas effleurer les cerveaux des eurocrates. Pour ce qui concerne le peuple britannique tout particulièrement, la presse mainstream a dépeint les partisans du « leave » comme étant tous des vieux aigris, racistes, xénophobes, incultes (de nouveau masque poli du mépris de classe). Tous les citoyens jeunes, éclairés, intelligents ont eux forcément voté pour le « remain », puisque l’on ne peut être que pour l’UE…ou pour l’UE. C’est là une évidence parfaitement mathématique évidemment.

C’est le poème la Solution de Bertolt Brecht qui résume parfaitement la pensée de ces autoproclamées élites européennes :

« Le peuple, y lisait-on, a par sa faute
Perdu la confiance du gouvernement
Et ce n'est qu'en redoublant d'efforts
Qu'il peut la regagner.
Ne serait-il pas
Plus simple alors pour le gouvernement
De dissoudre le peuple
Et d'en élire un autre ? »

La réaction la plus édifiante aura été celle de Jean-Claude Juncker, président de la commission européenne, et empereur autoproclamé du Saint-Empire austéritaire eurocratique, devant le parlement européen. M. Juncker a dit textuellement : « Il faut savoir que ceux qui nous observent de loin sont inquiets. J’ai vu, entendu et écouté plusieurs dirigeants d’autres planètes qui sont très inquiets parce qu’ils s’interrogent sur la voie que l’Union Européenne va poursuivre. Donc il faut rassurer et les Européens et ceux qui nous observent de plus loin ». On peut y voire la preuve du complot extraterrestre. Ou tirer de ce lapsus une conclusion plus triviale et simplement vraie : les dirigeants européens vivent réellement sur une autre planète que ceux qu’ils dirigent. 

Mais admettons que les eurocrates et les éditocrates ne font que leur travail…au service de la classe dirigeante. Plus préoccupante est la réaction de tant de jeunes, britanniques ou pas, et de bien de celles et ceux qui se considèrent de gauche, parfois radicale, et profondément traumatisés par le résultats : c’est atroce, les vieux racistes aigris m’ont volé mon avenir (mais oui, c’est terrible de ne pas pouvoir se faire imposer l’austérité à perpétuité par des eurocrates non élus…pauvres chéris), l’UE c’est l’ouverture au monde, la liberté, etc., la quitter c’est le retour des barbelés, des heures les plus sombres de l’histoires, si ce n’est de la Waffen SS…Tout ce baratin absurde témoigne d’un lavage de cerveau redoutable accompli par les classes dirigeantes européennes, jusqu’à y compris celles et ceux qui devraient être les plus vigilants face à la propagande dominante. Une pétition a même fait plus de 300'000 signatures (bon, beaucoup de fausses quand même) demandant de refaire le vote parce que soi-disant il n’est pas normale qu’une telle décision soit prise sans atteindre au moins 60% de OUI ou de NON, ainsi qu’au moins 75% de participation. Une majorité qualifiée, doublée d’une participation qualifiée, dont il n’avait jamais été question auparavant, et qui est sortie tout droit du chapeau de ceux qui l’on inventé. Mais qu’importe, parce que si on est pour l’UE c’est trop pas juste que l’on puisse perdre… Les initiants de cette pétition se rendent-ils seulement compte qu’ils copient les pires méthodes anti-démocratiques des eurocrates, consistants à casser, ou à faire fi, des votes qui ne leurs plaisent pas. Soumission volontaire quand tu nous tiens…

Pour des communistes dignes de ce nom, il ne saurait y avoir d’ambiguïté quand à l’attitude à adopter face au Brexit : il convient de le saluer avec enthousiasme. Car indépendamment et au-delà de la campagne xénophobe et réactionnaire de l’UKIP et de certains tories, il s’agit avant tout d’un vote de classe (le mépris de classe des éditocrates à la solde des classes dominantes en est le signal le plus sûr), d’une sanction populaire légitime et bienvenu face à la caste des eurocrates non-élus qui prétendent imposer leur ligne néolibérale au mépris et contre la volonté des peuples, ainsi que d’un coup majeur porté à l’UE elle-même, qui, loin de l’image idyllique qu’en donne la propagande dominante, est une construction entièrement réactionnaire, une arme de guerre de la classe dirigeante contre les travailleurs, un Saint-Empire capitaliste austéritaire.

Un Saint-Empire capitaliste

Bien avant que les négociations sur le premier traité à l’origine de l’UE aient seulement été programmées, les classiques du marxisme avaient clairement compris ce que celle-ci ne pourrait que nécessairement être en régime capitaliste. A propos du projet nébuleux des « Etats-Unis d’Europe », qui séduisait jusqu’à une partie des socialistes dont les idées en matière de marxisme étaient passablement confuses, ils ont parfaitement su voir, derrière tout le brouillard pacifiste, le contenu entièrement réactionnaire. Le jugement de Lénine à cet égard est bien connu :

« Au point de vue des conditions économiques de l’impérialisme, c’est-à-dire des exportations de capitaux et du partage du monde par les puissances coloniales « avancées » et « civilisées », les Etats-Unis d’Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires ».

C’est moins connu, mais Jean Jaurès a soutenu sensiblement la même position. Du reste il serait plus que profitable à ses héritiers européistes de gauche auto-proclamés d’étudier sérieusement son œuvre : 

« Tant que le prolétariat international ne sera pas assez organisé pour amener l’Europe à l’état d’unité, l’Europe ne pourra être unifiée que par une sorte de césarisme monstrueux, par un saint empire capitaliste qui écraserait à la fois les fiertés nationales et les revendications prolétariennes ».

Un Saint-Empire capitaliste, un césarisme bureaucratique monstrueux, qui écrase à la fois les fiertés nationales et les revendications prolétariennes…c’est bien ce que l’UE est. C’est exactement ce qu’elle est. Et c’est tout ce qu’elle est. On ne pourrait en donner une meilleure définition. Ceux qui disent que ce n’est pas là l’idée européenne, qui fut noble, mais tout au plus une condamnable dérive ne font au mieux qu’exprimer leur nostalgie d’un « rêve européen » qui n’a jamais existé que dans leur imagination, ou dans les faux-semblants de la propagande officielle. Croire en une chimère est peut-être respectable, ce n’est en tout cas pas sérieux. Car il n’y a jamais eu d’ « idée européenne » substantiellement différente de celle qui s’incarne dans l’UE telle qu’elle est. L’UE est aujourd’hui exactement ce qu’au départ elle était sensée être. Ce n’est pas que le projet ait changé, c’est juste que sa nature réactionnaire s’est de plus en plus nettement révélée à mesure qu’il approchait de l’achèvement, si bien qu’il faut aujourd’hui être aveugle pour ne pas la voire.

Conçue comme une vaste zone de libre-échange continentale, comme un bloc réactionnaire dirigé contre le bloc socialiste par un fonctionnaire étatsunien à l’ombre du Plan Marshall ; constituée dès les touts premiers traités fondateurs comme grand marché, doublée d’une structure de technocrates non-élus, avec le but explicite d’imposer par en haut des choix politiques qu’il ne serait pas possible de faire passer au niveau des parlements nationaux, l’UE n’a jamais été autre chose que ce qu’elle ne pouvait qu’être. La philosophie fondatrice de l’UE, gravée comme telle dans le marbre des traités fondateurs sous l’impulsion des négociateurs allemands principalement est l’ordolibéralisme, dont l’idée maîtresse est que jamais les peuples n’accepteront le libéralisme économique de leur plein gré, et que donc il doit leur être imposé de force, par des instances technocratiques non-élues, de façon à soustraire le domaine économique au débat démocratique. Une idéologie particulièrement détestable au service des classes dominantes, et qui servait leurs objectifs de reprendre de force tout ce qu’ils ont dû concéder aux travailleurs au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Si  ce caractère profondément réactionnaire de la construction européenne – que nombre de partis communistes d’Europe avaient du reste très bien compris et analysé dès le commencement – n’était pas alors immédiatement évident pour tout le monde, c’est que les instances technocratiques d’une structure alors embryonnaire ne disposaient avant l’instauration de la monnaie unique, l’euro, de fort peu d’instruments pour s’acquitter de leur tâche. Cela allait changer.

Désormais que les pays de la zone euro étaient dépossédés de leur souveraineté monétaire, c’est-à-dire de toute souveraineté, les eurocrates non-élus étaient pleinement en mesure de faire leur travail au service des monopoles : application imposée des « critères de convergence et de stabilité », c’est-à-dire l’austérité à perpétuité, libéralisations et privatisations à grande échelle, démantèlement des droits des travailleurs, traités de plus en plus contraignants et limitant de plus en plus toute démocratie imposés les uns à la suite des autres. Tous les rares votes populaires qui eurent lieu sur tel ou tel aspect de la construction européenne, et qui donnèrent presque invariablement le résultat contraire à celui voulu par les eurocrates, furent contournés ou bafoués d’une façon éhontée. Le NON du peuple français et néerlandais à feu la Constitution européenne fut scandaleusement contourné grâce au traité de Lisbonne. Le peuple irlandais, qui eut l’outrecuidance de voter NON au traité de Lisbonne, fut contraint de revoter (on estima en effet que le peuple avait « mal voté ») avec un chantage ignoble à l’appui. On lui promettait la catastrophe en cas d’un deuxième NON. Il se résigna à voter OUI, mais eut la catastrophe quand même. Avec la crise dite de la dette, au lieu de sanctionner les prédateurs de la finance internationale qui amenèrent des Etats au bord de la faillite, ce sont les Etats périphériques de l’UE – la Grèce, le Portugal, l’Italie, l’Irlande, l’Espagne – qui furent astreints à des plans d’austérité d’une brutalité telle qu’on pensait que seul le FMI pouvait en infliger aux pays du Tiers Monde. Le peuple grec, qui s’est élevé contre cette tyrannie, s’est vu condamné par la clique des eurocrates à une punition collective qui l’a amené au bord de la famine, afin que plus personne n’ose protester. Ce qui prétendait être une « Union » européenne s’est révélé être un Saint-Empire capitaliste tyrannique, doublé d’une exploitation néocoloniale des pays périphériques par l’Allemagne (renaissance de l’impérialisme allemand qui est tout autant une mauvaise affaire pour les travailleurs allemands, qui la payent d’une précarisation à grande échelle).

Les communistes qui se respectent se doivent de combattre cette construction réactionnaire. C’est aussi le cas pour les communistes britanniques.

Un OUI de gauche

Car, à part le OUI de droite au Brexit, le NON de droite de Cameron, le NON de gauche euroconstructif du Labour Party, a aussi existé un OUI de gauche, celui de certains syndicats qui n’ont pas plié face à la pression des directions centrales, mais aussi et surtout celui des communistes. Donnons la parole à Robert Griffiths, secrétaire général du Parti communiste britannique (CPB). Nous citons un article publié dans le Morning Star :

« L’UKIP récupère également de nombreuses voix de la classe ouvrière parce que le Parti Travailliste refuse de s’opposer à l’UE et à ses traités fondateurs, qui exposent les travailleurs et leurs communautés directement au capitalisme monopoliste et à son « marché libre ».

Les règles de l’UE autorisent les entreprises à délocaliser le capital et les emplois n’importe où en Europe et dans le monde, sans freins ni obstacles. Les subventions en faveur de la sidérurgie et des autres industries stratégiques sont interdites, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé. Aucune mesure ne peut être prise contre les importations depuis le reste de l’UE.
En choisissant cette position pro-UE, le Parti Travailliste passe à coté d’une opportunité historique de prouver qu’il défend les intérêts de la classe ouvrière.

De fait, plusieurs leaders syndicaux ou travaillistes cherchent tellement à soutenir l’UE qu’ils vont jusqu’à dénigrer les conquêtes passées du mouvement travailliste. Dans leur soutien à la cause de l’UE, ils semblent attribuer à l’UE pratiquement toutes les anciennes réformes progressistes du travail.

C’est comme si toutes les luttes dans les entreprises et les campagnes de masse pour la reconnaissance des syndicats, les droits aux négociations collectives, le droit de grève, l’égalité des salaires hommes-femmes, un salaire minimum national et de meilleurs droits à la sécurité sociale, n’avaient jamais existé.
Est-ce que ce ne sont pas des gouvernements travaillistes qui ont fait voter « l’Employment Protection Act » [1975, loi sur les droits des travailleurs] le « Health and Safety at Work Act » [1974, loi sur la préservation de la santé et la sécurité au travail], le « National Minimum Wage Act » [1998, première loi définissant un salaire minimum], le Trade Union Act [1974, loi renforçant les droits syndicaux] et bien d’autres lois? A l’inverse, les traités de l’UE interdisent explicitement toute action européenne pour un renforcement de la reconnaissance syndicale, du droit de grève, ou pour un salaire minimum légal.
Plus encore, un silence extraordinaire s’est abattu sur une série de jugements de la Cour de Justice Européenne pénalisant les travailleurs et les syndicats.

Une nouvelle fois, c’est comme si n’avaient jamais existé les jugements de la Cour européenne condamnant les actions pour l’industrie, les législations régionales ou nationales pour l’égalité de traitement des travailleurs immigrés ou « détachés ». Les syndicats britanniques (TUC : Trade Union Congress) et européens, avaient plein de reproches à leur faire, … avant que la campagne du référendum commence.

Les communistes britanniques doivent rejeter la vision erronée et défaitiste suivant laquelle l’appartenance à l’UE constituerait une quelconque protection contre l’érosion des droits des travailleurs et des syndicats. L’UE n’a jamais levé le petit doigt pour protéger les travailleurs contre les lois antisyndicales, parce que sa priorité de l’UE est de favoriser le monde des affaires, l’austérité et les privatisations sur tout le continent.

Quel que soit le résultat du référendum à venir, les travailleurs et leurs syndicats, qu’ils soient de Grande-Bretagne ou des autres pays, devront continuer à compter sur leurs seules forces et leur solidarité.

D’ici là, le Parti communiste place tous ses efforts dans le « Lexit » - la campagne de gauche pour la sortie de l’UE [Left-Exit] - avec tous les socialistes et les syndicalistes qui comprennent la nécessité de s’unir dans un mouvement de gauche, anti-impérialiste opposé à l’UE.

Partager une position politique avec des nationalistes du parti conservateur ou du parti UKIP, qui condamnent les immigrés, soutiennent l’OTAN, et qui ne veulent pas remettre en cause la « Forteresse Europe » ou le caractère capitaliste monopoliste de l’UE, prête à illusion et confusion.

Pour notre part, nous insistons sur l’égalité des droits de tous les travailleurs, quelles que soient leurs nationalités. Nous nous prononçons pour la solidarité internationale contre l’UE, et pour la souveraineté populaire, contre elle, ici en Grande Bretagne. »

Il n’y a rien à rajouter en particulier. Cette position est incontestablement juste.

OUI à la démocratie (et au socialisme), NON à l’UE

Le Brexit est avant tout une défaite cinglante pour les eurocrates non-élus, et les grands monopoles pour lesquels ils travaillent, et donc une victoire pour les travailleurs et les peuples. Gageons que ces messieurs de la commission ne pourront pas briser le peuple britannique, ni bafouer effrontément son choix souverain, comme ils l’ont fait avec le peuple grec. Ils continuent bien sûr avec leurs mêmes méthodes ordolibérales tyranniques (tentative d’imposer le CETA, traité de libre-échange avec le Canada, sans consulter les parlements nationaux, sanctions décidées contre le Portugal et l’Espagne pour ne pas avoir atteint les absurdes objectifs d’austérité…), mais leurs discours – « les règles de l’UE et du néolibéralisme sont éternelles, indiscutables et intangibles ; on ne peut aller que vers plus d’Europe ; etc. » – sonne désormais indiscutablement faux.

Quelle sera la portée immédiate du Brexit ? David Cameron a annoncé sa démission prochaine, et a différé l’appel à l’article 50 du traité de Lisbonne, prévoyant le retrait unilatéral de l’UE. Essaye-t-il de se donner le temps, ou de le donner à son successeur, de ne pas mettre en application la volonté clairement exprimée du peuple britannique ? Les éditocrates et autres plumitifs à la solde du pouvoir débattent déjà de comment bafouer ce vote démocratique. Les eurocrates, Hollande et Merkel discutent bien sûr de comment renforcer encore l’intégration européenne dans un sens réactionnaire.

Toutefois, ce scénario réactionnaire est loin d’être gagné pour les élites. Même au Royaume-Uni, la sortie très à droite de l’UE que prédisait la « gôche » europhile ne se concrétise guère. Le Parti conservateur continue à se déchirer, sans pouvoir surmonter ses propres contradictions. L’UKIP a pour le moins le triomphe modeste. Robert Griffiths voit même une possibilité d’issue progressiste : « La première priorité des communistes, des socialistes et des syndicalistes, devrait être d’infliger le 23 juin une défaite populaire au premier ministre James Cameron, à George Osborne [Chancelier de l’Echiquier, Ministre de l’Economie], à la CBI [Confederation of British Industry, l’équivalent du MEDEF], à l’IoD [Institute of Directors regroupant 34500 patrons], au FMI, au Pentagone et à l’OTAN.
Cela éclaircirait la voie à la chute du pouvoir conservateur, divisé, et à l’élection anticipée d’un gouvernement travailliste, libre d’appliquer une politique de gauche progressiste. » C’est là une hypothèse optimiste. Se réalisera-t-elle ? L’avenir nous le dira.

Mais l’essentiel n’est pas là. La défaite cinglante que les classes dirigeantes d’Europe viennent de subir affaiblit ces classes dirigeantes et leur appareil de domination qu’est l’UE. Cette défaite ouvre de nouvelles opportunités de lutte, pour briser enfin la chape de plomb du Saint-Empire euro-austéritaire, préalable nécessaire pour rompre avec le pouvoir des monopoles et ouvrir la voie d’un autre avenir, le socialisme.

Le Proche Orient, l’impérialisme et le sultan auto-proclamé Erdogan


L’historiographie officielle l’oublie souvent, mais une des causes majeures du déclenchement de la Première Guerre mondiale était la compétition inter impérialiste entre l’Empire allemand et le Royaume- Uni pour le pétrole, qui commençait à devenir indispensable, de Mésopotamie – une province ottomane que l’on n’appelait pas encore l’Irak. Le Royaume-Uni avait besoin de pétrole pour la Royal navy, et ne pouvait se permettre de dépendre des USA pour son approvisionnement. L’élite britannique décida donc de ravir la Mésopotamie à l’Empire ottoman. C’était sans compter que l’Empire allemand avait déjà commencé la construction d’un chemin de fer jusqu’à Baghdâd en passant par Constantinople, pour importer le pétrole ottoman. Pour s’emparer de ce pétrole, il faudrait donc faire la guerre aussi à l’Allemagne. Ce qui rendait indispensable l’alliance avec la France, pays qui n’avait pas vraiment été un allié jusque là. Mais les affaires sont les affaires. Des accords secrets furent donc signés entre la France et le Royaume-Uni, préparant le déclenchement prochain de la guerre. La violation de la neutralité belge par l’Allemagne n’offrit qu’un prétexte trop commode pour une entrée en guerre britannique prévue depuis bien longtemps. Cette histoire vielle d’un siècle explique pourquoi le Royaume-Uni a gardé une forte implication dans toutes les agressions impérialistes dans la région, y compris dans la guerre criminelle déchaînée contre Georges W. Bush et Tony Blair contre l’Irak en 2003. Elle a aussi façonné l’avenir de la région pour le siècle qui allait suivre. A la fin de la guerre, la carte de la région était redessinée par les vainqueurs. L’Empire ottoman était démantelé, et ses provinces fractionnées en protectorats et Etats plus ou moins viables dessinés sur une carte selon les intérêts exclusifs des puissances impérialistes. C’était les accords Sykes-Picot. Ainsi, par exemple, l’Etat du Koweït était créé de toutes pièces, uniquement pour ne laisser à l’Irak nouvellement indépendant qu’un accès étroit à la mer, et donc de le rendre entièrement à la merci des puissances impérialistes. Dans l’esprit des vainqueurs de la Première Guerre mondiale, le Proche Orient n’avait pour vocation que de servir de réserve pétrolière pour l’Occident, ce grâce à une domination coloniale directe ou néocoloniale. Le droit à l’autodétermination, la volonté et les intérêts les plus élémentaires des peuples de la région n’avaient strictement aucune importance.

L’histoire des peuples arabes du XXème siècle a, a contrario, été l’histoire de leurs luttes pour leur libération de cette domination directe ou indirecte exercée par l’impérialisme. Des luttes pour organiser lesquelles la IIIème Internationale aura joué un rôle indispensable, qui ont pris une nouvelle ampleur avec le mouvement de Bandung et qui ont culminé dans les nationalismes arabes, dont l’objectif majeur était de libérer leurs pays des chaînes du colonialisme et du néocolonialisme. Le baasisme irakien et syrien s’inscrit dans cette mouvance, cet héritage les a marqué à jamais. C’est ce qui explique l’acharnement des puissances impérialiste à anéantir le régime de Saddam Hussein à n’importe quel prix, et à tenter de détruire par tous les moyens celui de Bachar El-Assad en Syrie aujourd’hui. C’est un aspect qu’il faut résolument prendre en compte avant de proférer quelque critique que ce soit sur les régimes en question, quoi que l’on puisse en penser légitimement par ailleurs, et surtout de gober la moindre miette de la propagande impérialiste, qui n’est jamais désintéressée ni sincère.

A ces luttes de libération, l’impérialisme a aussitôt répondu par l’agression la plus cynique, la plus éhontée, la plus criminelle. Pour lui, il n’y avait qu’un seul but, tenir la région dans les chaînes, à n’importe quel prix. 
L’importance économique et géopolitique du Proche Orient rend la perspective d’en perdre le contrôle inenvisageable pour les USA, ce qui en fait un point focal de ses interventions criminelles. A défaut de pouvoir établir un ordre néocolonial digne de ce nom, trop compliqué à maintenir et en pratique hors de portée, les stratèges étatsuniens ont préféré opter pour la stratégie du chaos, selon l’antique maxime divide ut regnes, diviser pour régner. En pratique, morceler la région en une mosaïque de micro Etats, dévastés par l’intervention étrangères, déchirés par des conflits sectaires, en guerre les uns contre les autres, et par là tous réduits à l’impuissance. Pour ce faire, les USA ne s’embarrassent pas de scrupules pour ce qui est des moyens : pétromonarchies ultraréactionnaires du Golfe, qui sont les meilleurs alliés de l’Occident ; l’allié israélien bien sûr ; les groupes les plus obscurantistes et les plus rétrogrades qui puissent se trouver, et que les agents de l’impérialisme n’hésitent pas à créer au besoin (n’oublions pas tout de même qu’Al Qaeda, hier encore considérée comme incarnation du Mal...mais dont l’ex ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius avait dit pourtant que sa branche locale en Syrie faisait du « bon travail » face aux troupes loyales au président El-Assad...était au départ une pure création américano- saoudienne dans le seul but de lutter contre le gouvernement légitime et socialiste de la République démocratique d’Afghanistan !). Malheureusement, il faut dire aussi que le nationalisme arabe, malgré sa rhétorique anti-impérialiste et socialisante, n’a pas été à la hauteur de sa tâche historique, et n’aurait probablement pas pu l’être, étant un mouvement essentiellement de la bourgeoisie nationale et non de la classe ouvrière. Nombre de régimes qui en sont issus finirent par tourner à la dictature de la bourgeoisie compradore sans projet autre que de se maintenir au pouvoir, et n’hésitant pas à reprendre leur place subordonnée dans la chaîne de l’impérialisme dans ce but. La déchéance du nassérisme égyptien après la mort de son fondateur est à cet égard un cas d’école. Cette dégénérescence, et la grande déception y consécutive, laissa le champ libre à l’idéologie réactionnaire de l’islam politique. Mais certains régimes issus du nationalisme arabes, quoi qu’ils puissent valoir par ailleurs, demeuraient malgré tout trop indépendants par rapport à ce que l’impérialisme est désormais disposer à tolérer. Il fallait donc éradiquer ces régimes à n’importe quel prix, par l’intervention militaire si besoin.

D’où la guerre criminelle déchaînée par Bush et Blair contre l’Irak, qui a fait au bas mot un million de morts, transformé la Mésopotamie, foyer de la première civilisation connue, en tas de décombre pollué par l’uranium « appauvri » et rendu quasiment inhabitable, plongé le pays dans une véritable guerre civile entre sunnites, chiites et kurdes, mis à sa tête une mafia dénuée de toute légitimité. Une guerre qui fut comme il se doit lancée sur des mensonges éhontés, avec un coût humain absolument terrifiant. Le chaos et le désespoir qui en ont résulté ont jeté massivement les sunnites dans les bras de Daesh. Sombre tableau, illustrant parfaitement la stratégie du chaos de l’impérialisme...

Mais ce chaos servait aussi les intérêts des USA d’une autre façon. L’autre régime à abattre dans la région à tout prix était en effet la Syrie de Bachar El-Assad. Mais plutôt que de passer par une invasion directe, trop coûteuse et risquée en l’espèce, les USA préférèrent sous-traiter l’opération à des bandes armées islamistes, dans le cadre d’une guerre civile provoquée pour l’occasion. Ce plan était prévu depuis bien avant les manifestations de l’opposition syrienne de 2012, ainsi que les documents dévoilés par Noam Chomsky l’attestent. Du reste, comme il fallait s’y attendre, on se retrouva vite avec une guerre opposant l’armée syrienne à des groupes armées islamistes surtout composés de combattants étrangers. Une guerre impérialiste par procuration donc. Il faut par contre y aller à la loupe, si ce n’est au microscope électronique, pour trouver sur la carte les fameux rebelles « modérés » et « démocrates » dont la presse occidentale mainstream fait si grand cas.

Dans tout ce dispositif impérialiste, la Turquie joue un rôle particulier. Partie centrale la plus avancée économiquement du défunt Empire ottoman, elle devint une république démocratique bourgeoise après la Première Guerre mondiale. Pays possédant un capitalisme endogène, sa bourgeoisie était en position de revendiquer une place plus avantageuse dans la chaîne impérialiste que celle d’une simple bourgeoisie compradore. Pays membre de l’OTAN, la Turquie joue un rôle crucial dans la stratégie de l’impérialisme étatsunien au Proche Orient. La sombre période des dictatures militaires a ouvert la porte à l’ascension de la force politique profondément réactionnaire, néolibérale, islamiste et pro- impérialiste qu’est l’AKP de l’actuel président Erdogan. Tous ces aspects vont d’ailleurs de pair. Le discours néo-ottomaniste du président Erdogan, loin de refléter uniquement la folie des grandeurs du sultan auto-proclamé, sert surtout les ambitions impérialistes de la bourgeoisie turque. L’AKP a établi un régime, que la presse occidentale de révérence dépeignait il n’y a pas si longtemps comme « islamiste modéré » (bon, on dit « islamo-conservateur » désormais, le mensonge serait trop flagrant sinon), comme une synthèse réussie entre islam, démocratie et modernité, voire comme un modèle à suivre pour les pays de la région. Un régime qui pourtant est très loin d’être une démocratie, mais bien plutôt une dictature réactionnaire etobscurantiste brutale, qui persécute toute opposition un tant soit peu conséquente à coup de procès truqués montés à large échelle, et qui conduit progressivement la Turquie dans les ténèbres de la pire tyrannie qui soit. Un régime qui mène aussi une guerre criminelle contre une partie de son propre peuple, le peuple kurde, dont les droits sont brutalement niés, et ce de la pire façon qui soit : région toute entière soumise à un état de siège, massacres de civils à large échelle, localités entières détruites...Un régime qui mène aussi, sous couvert d’une guerre contre Daesh qu’il ne mène absolument pas, une sale guerre contre les kurdes syriens regroupés au sein du PYD, qui sont les seuls à combattre sur le terrain les hordes de l’Etat islamique mis à part l’armée syrienne, et qui mettent en place dans les zones libérées une démocratie populaire dont l’existence est insupportable au régime réactionnaire d’Ankara. Cette démocratie populaire n’en représente que plus d’intérêt pour celles et ceux qui luttent pour un monde plus juste... 

La lutte des communistes, des combattants du PYD et du PKK dans cette zone focale de l’agression impérialiste qu’est le Proche Orient, est très loin d’être facile, en butte qu’ils sont à la fois aux forces de l’impérialisme, des bandes armées islamistes et des régimes réactionnaires locaux. Elle n’en est que plus importante, pour les peuples de la région comme pour toute l’humanité progressiste. Le soutien des communistes des centres impérialistes à cette lutte en est d’autant plus un devoir. Certains jeunes militants d’aujourd’hui ont commencé leur conscientisation politique dans les manifestations contre la guerre en Irak. Aujourd’hui, la lutte contre l’impérialisme, au Proche Orient comme partout, est plus indispensable que jamais. 

Une 9ème édition résolument internationaliste et anti- impérialiste




Cette année, c’est déjà la 9ème édition de la Fête des peuples sans frontières, la traditionnelle fête annuelle du Parti du Travail, fête annuelle qui naguère avait existé sous d’autres formes et d’autres noms, la Kermesse populaire jadis, la Fête des Cropettes ensuite. Grande fête populaire sur trois jours, avec une scène musicale diversifiée et d’une qualité certaine, donnant la part belle aux artistes locaux et à la culture populaire, la Fête des peuples est avant tout une fête politique, une fête internationaliste et anti-impérialiste. Cette dimension internationaliste se manifeste à travers la présence de nombreux stands d’organisations progressistes, auxquelles nous ouvrons à l’occasion les colonnes de notre journal, mais aussi par le choix de l’invité d’honneur, qui donne aussi le thème de la fête.

Cette fois-ci, le Parti a décidé de mettre l’accent sur la région du Proche Orient, depuis des années champ de bataille dévasté par les agressions impérialistes et des forces réactionnaires locales, qui ne sont souvent que des pions aux mains de telle ou telle puissance impérialiste, mais qui est aussi le théâtre de remarquables résistances populaires contre l’impérialisme et la réaction.

De ce fait nous avons choisi comme invité d’honneur le Parti de la reconstruction socialiste de Turquie (SYKP), parti communiste formé par regroupement de plusieurs organisations préexistantes, qui est aussi partie prenante du HDP , parti démocratique des peuples, groupe d’opposition de gauche, démocratique et laïc, un groupe d’opposition résolu au régime islamo conservateur

ultraréactionnaire d’Erdogan et que celui-ci cherche par tous les moyens à éradiquer. Le SYKP conduit une lutte de classe résolu contre ce régime, que nos médias s’obstinaient il n’y a pas si longtemps, voire s’obstinent encore, à dépeindre comme démocratique, alors que clairement il ne l’est pas et qu’il persécute toute opposition réelle à coup de procès grossièrement truqués à large échelle, en sus de conduire une guerre sanglante contre son propre peuple, un régime auquel pourtant les puissances impérialistes « démocratiques » occidentales n’ont aucun scrupule à s’allier et à refouler par millier les réfugiés de guerre à sa merci. Après tout, l’argent n’a pas d’odeur comme on dit... Le SYKP est aussi fortement présent parmi l’émigration turque et kurde en Suisse. La coopération avec ce parti frère n’en devient que plus importante, et les persécutions que nos camarades subissent en Turquie n’est pas la moindre raison de soutenir résolument leur action. Car « prolétaires de tous pays ! » ne doit pas demeurer un mot creux.

La Fête des peuples est aussi une fête, et également l’occasion de fêter comme il se doit le dépôt imminent de l’initiative populaire « pour le remboursement des soins dentaires» avec guère moins que 19'000 signatures ! C’est un succès incroyable, qui dépasse à vrai dire nos espérances lorsque nous l’avions lancé. Rares sont les initiatives populaires qui font un résultat aussi impressionnant, ce d’autant si l’on tient particulièrement compte du fait que 90% de ces signatures ont été récoltées avec les seules forces des militants du Parti du Travail.
Cela démontre tout d’abord la justesse de notre cause. Une assurance pour les soins dentaires est absolument indispensable. C’est une réelle exigence de justice sociale. Que les soins dentaires ne soient toujours pas remboursés en Suisse est un scandale absolu, et les « arguments » de nos adversaires pour justifier cet état de fait ne sont qu’une hypocrisie sans nom. De fait, les gens signaient très volontiers notre initiative, et souvent nous remerciaient de l’avoir lancée. Mais cela montre aussi la puissance de mobilisation dont le Parti du Travail dispose comme jamais. Bien qu’il ne soit plus (pour le moment) le grand Parti qu’il fut et qu’il doit être, notre Parti, loin d’être mort, dispose toujours de la capacité à faire aboutir une initiative populaire à lui seul, grâce à l’enthousiasme et au travail acharné de ses militants.

L’un ne va pas sans l’autre. C’est parce que le Parti du Travail et son combat politique demeure plus que jamais indispensable pour les travailleurs et toutes les classes populaires de notre canton qu’il continue de vivre et ne manquera pas de retrouver la place qui doit être la sienne.

Nous vous souhaitons une belle 9ème Fête des peuples sans frontières !