03 décembre 2012

Discours prononcé pendant le rassemblement pour la validation de l’initiative 151 « Pour le renforcement du contrôle des entreprises, contre la sous-enchère », le vendredi 30 novembre 2012

Chères et chers camarades,

Friedrich Von Hayek, auteur de référence des idéologues du PLR, écrivait : « Je préfère une dictature libérale à un gouvernement démocratique où le libéralisme serait absent ». Le Conseil d’Etat et la droite du Grand Conseil semblent bien prendre cette direction en s’apprêtant une nouvelle fois à invalider une initiative populaire dont le contenu leur  déplaît pour des raisons politiques afin d’empêcher le peuple de pouvoir se prononcer là-dessus, d’empêcher que de quelconques mesures dignes de ce nom soient prises pour lutter contre la sous-enchère salariale ; cela en avançant de piètres arguties juridiques tirées par les cheveux, et auxquelles personne ne croit, tant est devenu systématique pour la droite de ce canton le déni des droits populaires et de la démocratie, l’habitude d’invalider systématiquement des initiatives populaires parfaitement valides, et qui sont pratiquement à chaque fois reconnues telles par le Tribunal fédéral. Et la droite qui s’ingénie à trouver les prétextes juridiques les plus fallacieux pour invalider les initiatives populaires progressistes est la même droite que celle qui aux chambres fédérales a laissé passer toutes les initiatives de l’extrême-droite, de l’interdiction des minarets à l’expulsion des étrangers criminels, pourtant clairement inapplicables et contraires au droit international.

 

Mais il est bien clair que les arguties juridiques ne sont rien d’autre que des arguties, et il n’est même pas la peine de leur répondre. Les véritables raisons de la droite de vouloir invalider l’initiative sont clairement politiques, et les véritables arguments le sont aussi. Le Conseil d’Etat prétend que l’initiative serait disproportionnée et que Genève serait déjà, à ce qu’il paraît, pionnière dans le domaine de la lutte contre la sous-enchère salariale. Pionnière ? Il existe à ce jour un commissaire de l’OCIRT pour 18'750 emplois. Les normes de l’OIT pour les pays développés voudraient un inspecteur pour 10'000 emplois. Les effectifs de l’OCIRT correspondent aussi aux normes de l’OIT…pour les pays en voie de développement. Genève serait-elle désormais un pays du Tiers monde ? Serait-il vraiment disproportionné d’adapter les effectifs de l’OCIRT comme le prévoit l’initiative 151 ? Il faut également tenir compte du fait que l’OCIRT n’a rendu que 8 décisions en 2011, et 2 en 2012 !, que 80% des commissions paritaires n’effectuent aucun contrôle, que pour 62% des entreprises, représentant 52% de l’ensemble des travailleurs, pratiquement aucun contrôle n’est jamais exercé. Dire, dans ces conditions, que l’initiative 151 est disproportionnée et que Genève est déjà pionnière, tient au mieux de la mauvaise blague. Il est parfaitement limpide que le seul but du patronat, et des partis qui le servent, est de laisser la sous-enchère salariale se poursuivre sans encombre. A titre de comparaison, il existe un agent de la Fondation des parkings pour 326 places de parc. On voit bien quelles sont les priorités politiques des bourgeois !

Le Conseil d’Etat prétend que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, que le système fonctionne bien et que somme toute le problème de la sous-enchère salariale n’en est pas un. Une telle affirmation tient du mensonge le plus éhonté ! Le Conseil d’Etat omet de dire que depuis 2008 le salaire brut médian a reculé, que depuis plusieurs années les bas salaires se généralisent et les écarts salariaux se creusent (la part des salariés du canton touchant un bas salaire est passée de 15,1% à 18,5% entre 2000 et 2010), que les commissions paritaires ont révélé des taux d’infraction de 24% en 2011, ce alors que l’OCIRT ne fait rien, et que 52% des salariés ne bénéficient d’aucun contrôle ! Cette situation catastrophique pour les travailleurs est bien entendue liée aux accords bilatéraux avec l’Union Européenne, à la dite « libre-circulation » des personnes, en fait la libre-exploitation des travailleurs à l’échelle du continent, la libéralisation et la dérégulation du marché du travail, une aubaine pour le patronat européen et helvétique pour une baisse généralisée des salaires. Le Parti du Travail avait le premier lutté contre ces accords bilatéraux, pour avoir justement prévu qu’ils constitueraient une large porte ouverte à la sous-enchère salariale et que les prétendues mesures d’accompagnement resteraient lettre morte. Nos saluons le fait que les syndicats prennent désormais cette réalité en compte et luttent contre les effets de cette libéralisation continentale du marché du travail.

 

Enfin, argument décisif, le Conseil d’Etat estime qu’une inspection syndicale serait inacceptable car partiale, et contraire à la liberté économique, car trop intrusive. Cela est évidemment faux, car cette inspection syndicale n’aurait aucun pouvoir décisionnel, qui resterait entièrement entre les mains de l’OCIRT. Mais, cela mis à part, de quelle impartialité veut-on parler ? L’OCIRT, qui se contente trop souvent d’un coup de fil au patron en guise d’inspection, qui écoute systématiquement le patronat et très peu les syndicats, serait-il impartial ? La droite pro-patronale, financée par la FER, qui siège sur les bancs de l’Entente et de l’UDC, serait-elle impartiale ? Le Conseil d’Etat, à majorité issue de l’Entente, qui s’empresse de trouver tous les prétextes juridiques possibles et imaginables pour invalider les initiatives populaires de gauche, serait-il impartial ? Le patronat, qui fait tout son possible pour empêcher les commissions paritaires de procéder à des contrôles et s’oppose de toutes ses forces à l’engagement d’inspecteurs de travail pour contrôler l’application des CCT, serait-il impartial ? Il n’existe pas de telle impartialité ! Le patronat, ses partis politiques, et l’Etat bourgeois à son service, ne défendent qu’un intérêt de classe étroit, l’intérêt du patronat d’utiliser la sous-enchère salariale sans entraves afin d’augmenter ses marges de profits ; ne défendent que la liberté de classe qu’est la liberté économique, qui à vrai dire n’est que le privilège de quelques uns, et étant liberté d’exploiter sans entraves la force de travail, nie la liberté des travailleurs. Pour défendre ces intérêts de classe étroits, pour faire passer leurs privilèges indus pour l’intérêt général, ils s’ingénient à inventer les arguments les plus tordus, mais aucun n’est crédible. Et nous, nous sommes là pour défendre d’autres intérêts, incompatibles avec les privilèges du patronat, les intérêts légitimes des travailleurs.

Comme à chaque fois que le patronat et la droite pro-patronale cherchent à trouver un prétexte pour refuser les revendications légitimes des travailleurs, on nous chante aujourd’hui les vertus du partenariat social. Mais ce couplet sonne faux et pour cause. Car le dit partenariat social n’est rien d’autre qu’une construction idéologique bourgeoise, une fiction qui masque mal la domination écrasante du patronat sur la classe des travailleurs. Car de quel partenariat social peut-il s’agir au juste ? Pour qu’il y ait partenariat, il doit y avoir des intérêts communs. Et quels intérêts communs peut-il y avoir entre deux classes que tout oppose. Karl Marx avait, il plus d’un siècle déjà, justement tourné en dérision les précurseurs de la théorie du partenariat social : «L'intérêt du travailleur est donc le même que celui du capitaliste, prétendent les bourgeois et leurs économistes. Grande vérité ! Le travailleur périt, si le capital ne l'emploie pas ; et le capital est perdu, s'il n'exploite pas le travailleur. [...] Aussi longtemps que le travailleur salarié reste un travailleur salarié, son sort dépend du capital. La voilà cette fameuse communauté d'intérêts du travailleur et du capitaliste.» Vrai à l’époque, l’enseignement de Marx l’est tout autant aujourd’hui. Les travailleurs n’ont jamais rien obtenu que par la lutte, en aucun cas par le partenariat, qui n’est que l’autre nom de la collaboration de classe. Et c’est par la lutte que nous viendrons à bout de la sous-enchère salariale.

 

La droite pro-patronale de ce canton, aux ordres de la FER, n’a aucune légitimité ni politique ni morale d’invalider une initiative syndicale parfaitement valide, raisonnable, et conforme à l’intérêt des travailleurs. Il est inacceptable que les droits démocratiques les plus fondamentaux soient bafoués de façon éhontée pour permettre au patronat de continuer à profiter de la sous-enchère salariale. Nous considérons que la démocratie elle-même est remise en cause par les agissements scandaleux de la droite. C’est au peuple à se prononcer sur une initiative populaire, pas aux fondés de service de la FER, et nous exigeons que l’initiative soit validée à cet effet.

Alexander Eniline

Le 29.11.12

À 23h13

21 octobre 2012

Discours prononcé, au nom du Parti Suisse du Travail, à la Rencontre communiste européenne, organisée par le Parti communiste de Grèce (KKE), les 1 et 2 octobre 2012

« Position des partis communistes sur la crise du capitalisme : soumission ou rupture ? Illusions sur une possible gestion du capitalisme pour le bien du peuple et lutte des communistes pour les intérêts des travailleurs, des peuples, pour le renversement du pouvoir capitaliste, pour le socialisme. »

 

Chères et chers camarades,

 

Tout d’abord je souhaiterais remercier, au nom du Parti Suisse du Travail, le Parti communiste de Grèce, pour l’organisation de la Rencontre communiste européenne.

 

La plupart des pays européens vivent une crise économique sévère dont on ne voit pas la porte de sortie. Afin de défendre les profits de leurs propres monopoles, de trouver une sortie de la crise dans l’intérêt du capital, les gouvernements bourgeois et les institutions de l’UE adoptent des mesures antipopulaires d’une ampleur inégalée, dans le but de baisser le prix de la force de travail coûte que coûte. Ces mesures, pourtant, ne font qu’aggraver la crise. Mais elles provoquent également la juste protestation des masses populaires, qui ne veulent pas subir plus longtemps perspective de leur paupérisation absolue et relative, du chômage de masse. Les partis bourgeois, de droite ou sociaux-démocrates, les institutions de l’UE, l’idéologie bourgeoise…sont de plus en plus largement discréditées. Le mouvement de protestation grandit, prenant souvent un caractère de masse. On observe une radicalisation des mots d’ordre, un durcissement des confrontations avec l’Etat bourgeois et le capital ; quand bien même la résistance populaire soit souvent inorganisée, et son succès – limité. Dans aucun pays européen il n’y a pour le moment de situation révolutionnaire, mais dans beaucoup de pays la situation est des plus explosives, et la transformation révolutionnaire de l’ordre social tout entier vient à l’ordre du jour.

 

L’état de choses présent montre une évidente incapacité des monopoles et des partis bourgeois de résoudre ne serait-ce que les problèmes les plus élémentaires de notre temps et de trouver la sortie de la crise, ce qui amène à une prise de conscience de plus en plus large de la nécessité de changer de cap et confère une responsabilité toute particulière aux communistes : la responsabilité de trouver la voie de la révolution socialiste, qui est le seul changement de cap possible, en tenant compte des conditions spécifiques de chaque pays.

 

En Suisse, la situation actuelle est très loin d’être révolutionnaire, et se caractérise plutôt par l’apparence d’une extrême stabilité économique et politique. En général, la Suisse n’est pas encore fortement touchée par la crise, même si on en voit les premiers symptômes, et a conservé un niveau de vie relativement plus élevé que les pays voisins membres de l’UE. Néanmoins, en premier lieu, on observe en Suisse ces dernières années un phénomène d’appauvrissement relatif et absolu de couches de plus en plus larges de la population, et un brutal croisement des inégalités sociales – problème qui est encore aggravé par la liquidation systématiques des acquis sociaux déjà fort limités par les partis bourgeois, – et deuxièmement  parce que l’économie suisse ne pourra éviter longtemps la crise, et une brutale aggravation de la situation économique est inévitable dans un avenir plus ou moins proche. Du reste, même des économistes bourgeois commencent à en parler. Le secteur bancaire vit déjà maintenant une situation difficile, subissant des défaites successives dans sa guerre économiques contres les banques des USA et de l’UE, et prenant des mesures de plus en plus désespérées pour tenter de subsister. Il faut aussi avoir à l’esprit que l’économie suisse dépend énormément des relations commerciales avec les pays membres de l’UE et ne saurait éviter une forte récession liée à l’inévitable approfondissement de la crise en Europe.

 

Pour l’instant subsistent également toutes les apparences de la stabilité politique. Pour l’instant domine encore globalement l’idéologie bourgeoise conservatrice de la concordance, de la collaboration de classe, le mythe que la Suisse est le pays le plus parfait et le plus juste au monde. L’apparition de cette idéologie de la concordance a été possible grâce à l’absence de bouleversements majeurs et de guerres en Suisse depuis la seconde moitié du XIXème siècle, de salaires comparativement plus élevés pour les citoyens suisses après la Deuxième Guerre mondiale grâce à un potentiel industriel intact, mais aussi à l’emploi d’une main-d’œuvre étrangère nombreuse, sous-payée et sans droits. Mais cette concordance bourgeoise n’aurait jamais pu se mettre en place sans la politique opportuniste du Parti socialiste suisse qui, épaté en 1959 par une présence permanente au gouvernement ensemble avec les grands partis de droite, a renoncé pour cela à l’idée de révolution et à la lutte de classe, au profit de la collaboration de classe et du social-libéralisme, et des syndicats sociaux-démocrates, ayant signé en 1939 les accords dits de la « paix du travail », instituant le renoncement à la lutte de classe au profit de la collaboration de classe, et limitant le droit des travailleurs à la grève.

 

Pourtant, cette stabilité politique apparente s’effrite également avec la montée des contradictions entre classes. L’idéologie de la concordance est détruite par l’action des partis d’extrême-droite, qui obtiennent des bons résultats aux élections, en spéculant sur la méfiance grandissante du peuple envers le système politique existant, car les masses populaires commencent à comprendre que l’idéologie de la concordance n’est que le masque du pouvoir sans partage des monopoles. On observe également une intensification de la lutte de classe, une montée des grèves, qui jusqu’à il n’y a pas longtemps étaient très rares en Suisse, contre les licenciements, les baisses de salaires et les ruptures de conventions collectives de travail ; une montée des manifestations protestataires, de la lutte syndicale ; tout cela, néanmoins, dans des proportions trop limitées.

 

Dans cette situation, les tâches principales du Parti Suisse du Travail consistent dans la lutte contre la liquidation des acquis sociaux et des droits démocratiques existants, et pour leur extension ; la lutte contre les idées d’extrême-droite et des politiques xénophobes ; la lutte à l’intérieur des syndicats pour la rupture de la paix du travail et le retour sur une ligne de lutte de classe. Même si la Suisse ne fait pas partie de l’UE, la lutte de notre parti est également dirigée contre l’UE. Le Parti Suisse du Travail a adopté en 2008 une résolution contre toute adhésion de la Suisse à l’Union européenne, ce que veulent toujours les sociaux-démocrates et les trotskistes. Nous luttons également contre les accords bilatéraux avec l’UE, qui mènent à une reprise unilatérale par la Suisse du droit européen antipopulaire, antidémocratique et néolibéral. Mais notre action ne se limite pas à ces tâches immédiates, et implique également la préparation de la lutte populaire dans les conditions de la crise imminente, pour la destruction de l’idéologie bourgeoise de la concordance, la lutte idéologique contre l’anticommunisme et pour la diffusion des idées du marxisme, un travail d’explication auprès de la population pour faire comprendre que la voie de développement capitaliste est une impasse et que l’édification du socialisme est une nécessité. La réalisation de ces objectifs implique une rupture avec la social-démocratie et sa politique de collaboration avec la bourgeoisie.

 

Le succès de la lutte des communistes pour le socialisme dans tous les pays d’Europe implique une rupture totale avec la social-démocratie, qui s’est montrée une force ouvertement réactionnaire partout où elle est parvenue au pouvoir ces dernières années ; la rupture avec toutes les illusions sur la possibilité de sortir de la crise dans l’intérêt du peuple en restant dans un cadre capitaliste, dans l’UE et dans l’Euro. Le capitalisme monopoliste ne peut en principe pas être régulé. Tenter de sortir de la crise systémique du capitalisme par des mesures keynésiennes est vain. Affirmer qu’une autre politique est possible dans le cadre du capitalisme n’a aucun sens. Le capitalisme en état de crise ne peut donner aucune concession aux travailleurs, il ne peut survivre qu’au prix de la paupérisation absolue de la majorité de la population. Un changement de cap dans le cadre de l’UE est également impossible. Les institutions de l’UE furent édifiées de façon à être irréformables, elles ne peuvent être rien d’autre qu’un bastion des monopoles, de la réaction et du néolibéralisme. Il est impossible de réaliser des transformations révolutionnaires dans aucun des pays-membres sans sortir au préalable de l’UE et de l’Euro. Les partis qui disent le contraire commettent une faute politique majeure, détournent la lutte populaire vers une voie sans issue et en fin de compte démoralisent les masses populaires. Les communistes doivent réfuter sans répits de telles positions erronées.

 

Il ne peut y avoir que deux sorties de la crise : dans l’intérêt des monopoles, au prix du fascisme, de la paupérisation de la majorité de la population et de nouvelles guerres impérialistes, ou dans l’intérêt du peuple, grâce à la révolution socialiste. De la lutte des communiste dépendra quelle sera cette sortie !

Alexander Eniline


Membre du Comité directeur

03 octobre 2012

Discours au café politique du 27.09.12 consacré à la nouvelle Constitution de la République et canton de Genève


 
 
 

Chères et chers camarades,

Pour commencer, je voudrais rappeler que le combat contre la refonte réactionnaire de la Constitution de la République et canton de Genève a été une priorité absolue pour le Parti du Travail depuis le début. En 2008 nous avions appelé à voter contre la création d’une Assemblée constituante, chargée de réviser la Constitution, car nous avions très justement prévu que dans le contexte politique actuel, dominé par la réaction, il ne pourrait sortir d’une telle révision qu’un texte contraire aux intérêts populaires, qui contiendrait les pires dispositions réactionnaires camouflées dans une multitude d’articles qui n’apportent pas grand-chose de nouveau. Du reste, la stratégie du paquet ficelé, qui consiste à cacher l’amère pilule néolibérale sous le miel fade d’un baratin démagogique, est une des méthodes éprouvées de la droite pour parvenir à ses fins. Malheureusement, le peuple a voté alors pour la Constituante, avec un taux de participation très faible toutefois, encouragé en cela par les socialistes et les Verts qui lui promettaient absurdement monts et merveilles et un merveilleux exercice démocratique de tout réinventer. Comme s’il s’agissait de cela, de réaliser le vieux slogan soixante-huitard « l’imagination au pouvoir » et non de vider la Constitution de ses acquis démocratiques et sociaux, alors que la droite avait dès le début clairement annoncé ses intentions !

La suite allait pleinement donner raison à nos prévisions. La droite savait d’emblée quel était son but, quels étaient les intérêts réactionnaires qu’elle a pour unique vocation de servir, et l’a poursuivi avec constance et habilité. La dite gauche réformiste, en revanche, n’ayant ni une quelconque détermination à défendre les intérêts des classes populaires de ce canton, ni même ses propres promesses électorales, ni n’ayant d’autre but que de marchander sa juste place dans le cadre de la concordance bourgeoise au service de la gestion loyale du capitalisme, est partie d’emblée sur l’objectif absurde de faire une Constitution de compromis, comme si ce concept de constitution de compromis avait un sens, comme si la constitution pouvait être un compromis entre forces sociales antagonistes, alors qu’une constitution écrite pouvait être autre chose que le reflet plus ou moins exacte de la véritable constitution d’un pays, qui n’est autre que le rapport de forces réel qui y existe, ou, dans le cas de figure le plus favorable, un instrument au mains des forces du progrès pour modifier ce rapport de forces. Le groupe AVIVO, au contraire, a dès le départ et jusqu’à la  fin défendu avec constance et détermination les intérêts véritables des classes populaires, la conservation et l’extension des acquis sociaux et démocratiques contenus dans la Constitution actuelle, et ne s’est jamais laisser entraîner sur la pente glissante des compromis trompeurs. Je tiens ici à souligner cette exemplaire lutte politique, qui correspond à ce que doit faire une force authentiquement populaire dans les parlements bourgeois.

La suite n’est que trop connue. La droite s’est livrée à une stratégie habile de marchandage que tous les marchands de tapis maîtrisent et que seuls les désespérants stratèges du PS et des Vets, dans leur incapacité navrante à penser la politique en termes de rapports de forces, ont réussi à ne pas comprendre. La droite à commencé par utiliser sa majorité numérique pour aligner les articles réactionnaires les plus caricaturaux : suppression du droit au logement, suppression de l’égalité homme-femme, suppression de l’interdiction du nucléaire, redécoupage arbitraire des communes, et j’en passe… Une bonne illustration de cet état des travaux de la Constituante est  l’Avant-projet mis en consultation populaire au printemps 2011 et dont le Parti du Travail avait dénoncé le contenu réactionnaire dans une brochure publiée à l’occasion du 1er mai 2011. Cette manœuvre de la droite provoqua bien entendu une levée de boucliers généralisée, au point que même le président du PS d’alors, René Longet avait appelé la Constituante à se dissoudre, alors que Carlo Sommaruga avait appelé la gauche à quitter la dite assemblée. Mais la droite s’attendait à cela. Elle changea alors son fusil d’épaule, abandonna ses revendications les plus fantaisistes, et entama des prétendues « négociations de convergence » avec la gauche réformiste et les associations, au point que le résultat final semble globalement très proche de la Constitution actuelle, améliorations rédactionnelles et reprises de la Constitution fédérale en moins, avec très peu de nouveautés. Mais cela en apparence seulement, car en réalité le projet de nouvelle Constitution, même s’il est sans doute moins réactionnaire que ne l’avait été son avant-projet, n’en demeure pas moins inacceptable car présentant de reculs graves, vidant de nombreux articles importants de leur sens et n’apportant aucune amélioration réelle par rapport à la Constitution actuelle. Mais cela suffit toutefois pour que la gauche réformiste se laisse prendre à ce marchandage minable et en vienne à voter le texte final et mène aujourd’hui campagne pour lui avec acharnement et en alignant les contre-vérités, ce alors même qu’un tiers de sa propre base y est opposée. Cette trahison de la social-démocratie et des Verts – une de plus – doit être clairement dénoncée comme telle.

Actuellement, conscients que leur mouture réactionnaire risque d’être rejetée par le peuple, les partisans de la nouvelle Constitution mènent une campagne rouleau compresseur, à coup de dépenses conséquentes et d’une propagande mensongère, frisant parfois l’absurde. Il est de notre devoir de contrer cette propagande, ce que nous faisons notamment ce soir. Je ne vais pas répéter ce qu’a dit Christian Grobet avant moi, ni faire une analyse exhaustive du texte de la nouvelle Constitution, sous peine de devoir parler seul pour les deux heures qui suivent, car à vrai dire les raisons de voter NON sont innombrables, mais simplement insister sur les régressions les plus graves et les plus importantes à nos yeux. Un premier argument des partisans de la nouvelle Constitution qui doit absolument être réfuté est que la celle-ci contient des vrais progrès en matière de droits fondamentaux. Rien n’est plus faux. Certes, en apparence, la nouvelle Constitution garantit bien plus de droits que l’ancienne. Mais en réalité, pratiquement tous ces droits sont déjà garantis par la Constitution fédérale, par la loi et par les conventions internationales signées par la Suisse. Il ne s’agit donc que d’une redite, sans doute utile, mais qui restera sans conséquences dans les faits. En outre, les articles qui garantissent des droits sont pour l’essentiel des belles déclarations d’intentions avec une portée avant tout théorique, mais dont l’impact pratique est plus que limité. Alors certes, les droits fondamentaux sont justiciables, mais d’une justiciabilité illusoire, telle qu’il est impossible d’obtenir quoi que ce soit en faisant valoir ses droits fondamentaux devant un tribunal ; du reste aucune jurisprudence n’existe en la matière. En effet, si tous ces articles étaient appliqués, la plupart des maux de la société capitaliste n’existeraient plus. Par exemple, le droit au logement est garanti. Pourtant, ce droit n’a jamais empêché Zapelli d’expulser les gens sans solution de relogement, et Jornot continuera d’en faire autant. Et essayez de faire valoir votre droit au logement devant un tribunal !

Si les dispositions « progressistes » de la nouvelles Constitution sont peu contraignantes et pour l’essentiel cosmétique, elles ont un but bien réel : noyer le poisson. Car le texte de la Constituante contient des reculs sociaux et démocratiques tout à la fois graves, nombreux et à la portée pratique on ne peut plus réelle. Le plus grave et le plus dangereux de ces reculs à nos yeux est le démantèlement des articles fondateurs des SIG, des TPG et des établissements médicaux publics. En effet, la Constitution actuelle contient des articles à la fois précis et détaillés gravant dans le marbre de la Constitution le statut, le fonctionnement, le financement et la mission de ces institutions, ce qui garantit qu’elles restent et fonctionnement comme des services publics, et empêche la droite de les démanteler sans devoir passer par le référendum obligatoire. Or la nouvelle Constitution vide ces articles de leur substance, n’en laissant que des miettes (les SIG n’y sont même plus mentionnés en tant que tels !), au point où il devient compatible avec la Constitution de privatiser ces régies publiques. Sachant la volonté de longue date de la droite de démanteler et de privatiser le service public, ces articles sont extrêmement dangereux, ce d’autant que des libéraux viennent d’être nommés à la tête de toutes ces régies. L’argument du PS sur le souci de concision rédactionnelle pour justifier ces démantèlements est tout simplement grotesque vu la longueur de la nouvelle Constitution !

Outre cela, on peut citer l’introduction de l’encouragement de l’accès à la propriété et de la simplification des procédures pour les constructions, qui sont autant de cadeaux aux promoteurs immobiliers et de freins à une politique du logement déjà quasi inexistante conforme aux intérêts de la majorité de la population ; le rôle de l’Etat qui devient simple complément à l’initiative privée et à la responsabilité individuelle, ce qui est la porte ouverte à toutes les privatisations ; l’édulcoration drastique de l’article sur l’énergie qui le vide en grande partie de sa substance, ce alors que le modèle capitaliste de développement détruit l’environnement et met en danger la survie à terme de l’espèce humaine ; la petite porte ouverte au nucléaire : le Grand Conseil serait désormais autorisé de contourner l’interdiction du nucléaire par voie législative. Il faut aussi parler des graves reculs démocratiques : l’augmentation automatique du nombre de signatures pour les initiatives et les référendums avec l’augmentation de la population, qui est absolument inacceptable sachant que Genève exige déjà le nombre le plus élevé de signatures proportionnellement aux nombre d’électeurs de tous les cantons suisses ; la suppression des articles portant sur la Ville de Genève, qui permettrait à la droite d’enfin démanteler ce bastion progressiste ; la réduction drastique de l’autonomie des communes, déjà minime, qui est un grave recul démocratique ; l’absence de toute avancée en matière de droits politiques des étrangers, qui, même si ce n’est pas un recul par rapport à la Constitution actuelle, reste tout de même inacceptable dans un canton où 40% de la population ne jouit pas des droits politiques au niveau cantonal ; le droit accordé au Conseil d’Etat de faire appel à l’armée et aux autres cantons pour le maintien de l’ordre public, qui est un véritable scandale en cette année des 80 ans de la tuerie de 1932 ! Je pourrai mentionner encore une multitude de raisons, dont chacune serait suffisante seule pour refuser la nouvelle Constitution, mais je n’en citerai qu’une seule, tirée des dispositions transitoires de la nouvelle Constitution, que personne ne semble avoir lues, alors qu’elles sont cruciales. En effet, si la nouvelle Constitution venait à être adoptée, le Grand Conseil serait obligé d’adapter le droit d’application dans un délai de cinq ans au maximum, ce qui impliquerait un travail législatif d’une rapidité effrénée, avec des nouvelles lois réactionnaires se succédant à toute vitesse. Les forces progressistes du canton n’auraient pas la possibilité matérielle de s’opposer à toutes par référendum, ni même à la majeure partie. Nul doute que c’est ce que veut la droite.

Pour empêcher la réalisation de ce projet réactionnaire, le Parti du Travail appelle résolument à voter NON le 14 octobre !

L’internationalisme conséquent de la Révolution cubaine



          « La Révolution c’est l’unité, l’indépendance, c’est lutter pour nos idéaux de justice, pour Cuba et pour le monde, la base de notre patriotisme, notre socialisme et notre internationalisme » avait déclaré naguère Fidel Castro. Et de fait l’internationalisme n’est pas un vain mot à Cuba. Un des instruments essentiels de la politique internationaliste de la Révolution cubaine est l’Institut  Cubain d’Amitié avec les Peuples (ICAP), fondé officiellement le 30 décembre 1960, mais  dont les bases furent jetées en 1959 déjà, au lendemain de la révolution. Aujourd’hui, l’ICAP et plus actif que jamais. Pour mieux faire connaître sa politique internationaliste, Gabriel Benitez, représentant de l’ICAP pour l’Europe, et Arsenio Rodriguez, journaliste du canal Radio Habana Cuba, étaient présents en Suisse la semaine dernière et ont notamment donné une conférence de presse jeudi 20 septembre, organisée par l’Association Suisse-Cuba, à laquelle Gauchebdo était présent. Les camarades cubains nous ont expliqué que le but premier de l’ICAP était d’accueillir ceux qui venaient découvrir Cuba, but qui reste tout aussi important aujourd’hui, lorsque la réalité cubaine est systématiquement déformée à travers la propagande mensongère des médias bourgeois dans la plupart des pays du monde. Et de fait, ce travail internationaliste persévérant n’a pas été sans effet, car aujourd’hui il y a dans pratiquement tous les pays du monde des groupes de solidarité avec la révolution cubaine, rassemblant des personnes venant des horizons les plus différents.

            La tâche principale du mouvement de solidarité avec Cuba est la lutte contre le blocus arbitraire et illégal des Etats-Unis qui ne peuvent admettre que leur ancien dominion soit un pays souverain. Sous Obama, malgré les espoirs illusoires que sa campagne en 2008 avait fait naître, le blocus n’a fait que se durcir, ce alors même qu’il est régulièrement condamné par l’Assemblée générale de l’ONU où seuls trois pays le soutiennent : les USA, Israël et Palau. Qu’importe, l’Empire se considère au dessus du droit international. Dans tous les cas, le blocus a des conséquences dramatiques sur l’économie cubaine, qui a besoin d’importer de nombreuses marchandises et matières premières pour pouvoir fonctionner, et qui ne peut le faire que difficilement. Par exemple, l’industrie pharmaceutique de l’île doit se procurer du matériel par voies détournées, avec l’aide de groupes de solidarité, qui vivent sous la menace permanente des groupes radicaux anti-cubains. Mais le blocus n’est pas seulement commercial mais aussi informationnel. Ainsi, dans la plupart des pays du monde, les médias bourgeois ne diffusent que des informations négatives, pour le moins tendancieuses, la plupart du temps mensongères    qui donnent une vision extrêmement déformée de la réalité cubaine. Ainsi les médias parlent sans cesse d’absence de démocratie et n’ont d’yeux que pour quelques soi-disant opposants ouvertement payés par l’ambassade des USA, et masquent entièrement, par exemple, le fait que des élections sont en préparation auxquelles tout cubain, membre du Parti ou pas, peut se présenter ou être présenter, et qui dans tous les cas sont bien plus libres que les élections aux USA. Du reste, tous les changements intervenus à Cuba depuis la Révolution se sont faits avec le soutien du peuple et sur la base d’une large consultation démocratique. En outre, une tâche majeure du mouvement de solidarité avec Cuba est la lutte pour la libération des cinq cubains emprisonnés aux Etats-Unis pour avoir espionné des groupes terroristes anti-cubains (protégés par le gouvernement des USA malgré sa prétendue lutte contre le terrorisme) et donné des informations aux gouvernements de Cuba et des Etats-Unis, suite à des procès inéquitables débouchant sur des condamnations arbitraires. Actuellement, l’un de ces cinq cubains a été libéré, mais sans pouvoir quitter le territoire des Etats-Unis pendant trois ans, un autre pourrait être libéré sous les mêmes conditions, tandis qu’un troisième purge une double peine de perpétuité et sa femme est refusée d’entrée sur les territoire américain et ne peut donc lui rendre visite. Actuellement, toutes les possibilités de recours sont épuisées, le seul espoir qui reste et l’amnistie présidentielle et le combat continue.

            Aussi importante que la solidarité des peuples avec la Révolution cubaine est la solidarité internationaliste de Cuba avec les autres peuples du monde. La contribution de Cuba à la libération de l’Angola et à la lutte contre l’Apartheid est largement connue. Aujourd’hui, il y a 154'000 coopérants cubains à l’étranger, dans le cadre d’aides gratuites ou d’échanges, en Amérique latine principalement (44'900 au Venezuela), mais aussi dans des pays africains ou du Moyen-Orient. Comme exemple de cette aide, citons Haïti, où  des infirmiers et des médecins cubains étaient présents depuis onze ans avant le tremblement de terre, pas seulement dans les villes, mais aussi et surtout dans les régions reculées que trop souvent les ONG occidentales oublient. En outre, près de 15'000 étudiants étrangers suivent gratuitement un cursus universitaire à Cuba, dont de nombreux étudiants africains, 1'000 pakistanais, mais aussi, fait beaucoup moins connu, 100 étudiants venant de familles pauvres des USA et qui ne peuvent se payer des études dans le système américain privatisé.

            Les camarades cubains ont également brièvement abordé la question de l’actualisation du modèle économique en cours à Cuba. Certains secteurs ont été libéralisés, essentiellement l’agriculture, l’artisanat et les services. Certaines petites entreprises pourront plus facilement engager des salariés. Des transactions privées auparavant interdites sont désormais autorisées, comme par exemple la vente libre des voitures. Le secteur étatique a été rationalisé, et 500'000 employés de l’Etat ont été licenciés par tranches, mais sans hausse du chômage, pour être absorbés pas le secteur privé. Actuellement, l’impact économique de ces changements est positif, la production agricole a augmenté d’une façon appréciable et la gestion des entreprises d’Etat a été améliorée. D’autres changements, comme la suppression de la double monnaie (peso cubain et peso convertible), sont en préparation mais prendront du temps. L’avenir dira quel sera le résultat de ces changements sur le socialisme cubain. Pour l’instant, nous pouvons remarquer que le gouvernement cubain est conscient du caractère fondamental des changements qu’il met en œuvre et n’avance qu’avec la prudence requise. Dans tous les cas, il ne s’agit pas, et il ne s’agira pas d’une remise en cause du socialisme. Du reste, la très grande majorité des cubains ne voudrait pas retourner à un système capitaliste. Il faut dire aussi que l’Etat ne se désengage que de certains secteurs non stratégiques, et l’entreprise socialiste d’Etat reste et restera la forme essentielle de l’économie cubaine. En outre, des restrictions à l’enrichissement individuel ont été mises en place pour pallier aux conséquences non-souhaitée de la libéralisation.

25 septembre 2012

Les partis bourgeois pour la sous-enchère salariale !



Communiqué de Presse du Parti Suisse du Travail rédigé le 10.09.12


Les partis bourgeois et le patronat, avec l’aide de la gauche réformiste et des syndicats, ont réussi à convaincre le peuple suisse à accepter la ratification et l’extension des accords portant sur la dite « libre circulation des personnes » entre la Suisse et l’Union européenne par la promesse de mesures d’accompagnement sensées empêcher le dumping salarial dû à l’accroissement de la concurrence sur le marché du travail. Le Parti Suisse du Travail avait appelé à voter contre la reconduction et l’extension de ces accords en 2008 parce que ceux-ci ne faisaient qu’instituer la libre exploitation des personnes à l’échelle européenne par la mise en concurrence des travailleurs à l’échelle du continent et par la destruction du droit du travail à l’échelle nationale (qui était déjà des plus limités en Suisse), ce d’autant que les fameuses mesures d’accompagnement ne se sont révélées être rien d’autre, comme c’était du reste prévisible, qu’un leurre et qu’une promesse électorale qui n’engage que ceux qui y croient.

            La Commission de l’économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-E) a récemment confirmé notre analyse en refusant de prendre des quelconques mesures réelles contre la sous-enchère salariale via des sous-traitants. La CER a décidé qu’une mesure cosmétique suffirait, à savoir que l’entrepreneur contractant devra engager ses sous-traitants par contrat écrit à respecter les salaires minimums et les conditions du travail suisses (aujourd’hui un contrat oral suffit). Il est parfaitement évident qu’une telle mesure n’est que de la poudre aux yeux. Du reste, même le SECO a écrit dans sons rapport à l’intention de la CER que cette variante minimale resterait sans effet, et que pour combattre réellement la sous-enchère salariale par des chaînes de sous-traitance, il faut que l’entrepreneur contractant soit juridiquement responsables de touts les infractions commises par ses sous-traitants.

            Par cette décision, les partis bourgeois rompent la promesse qu’ils avaient faite à la session d’été d’instaurer une véritable responsabilité solidaire dans le cadre d’un projet séparé relatif aux mesures d’accompagnement. La majorité de droite de la CER montre ainsi clairement que sa volonté est de continuer à mener une politique de porte ouverte à tous les dumpings salariaux et à tous les abus patronaux au détriment des intérêts les plus élémentaires des travailleurs, ce alors que dans les chantiers en Suisse et dans certains pans de l’artisanat la situation est dramatique du fait d’une sous-traitance omniprésente et de la libre-circulation avec l’Union européenne.

            Le Parti Suisse du Travail exige du Conseil des Etats qu’il revienne sur cette décision de sa commission et remplisse sa promesse à sa prochaine session. Il salue aussi la bienvenue (quoique tardive) prise de conscience de l’USS des conséquences de la libre-circulation avec l’Union européenne.

23 août 2012

Nouvelle Constitution genevoise : il faut voter NON à ce texte réactionnaire !

Tract du Parti du Travail sur la nouvelle Constitution de la République et canton de Genève, rédigé par mes soins

Le 14 octobre prochain, le peuple genevois devra se prononcer sur le texte de la nouvelle Constitution genevoise, rédigé par l’Assemblée constituante dominée par une nette majorité de droite, et qui remplacerait la Constitution en vigueur actuellement s’il est accepté. Or il faut résolument voter NON à ce texte, car son contenu est clairement réactionnaire et va à l’encontre des intérêts des classes populaires de ce canton.

Les nouveaux articles « progressistes » de la nouvelle Constitution ne sont que de la poudre aux yeux

Les partisans de la nouvelle constitution invoquent de nouveaux articles « progressistes », garantissant des droits fondamentaux ou les droits des personnes handicapées, qui ne sont pas dans la constitution actuelle pour prétendre que la nouvelle constitution est meilleure et mérite donc que l’on vote OUI. Mais ce n’est que démagogie. Pratiquement aucun de ces nouveaux articles ne dit rien de nouveau par rapport à ce qui est déjà contenu dans la constitution fédérale ou dans la loi. De fait, toutes les propositions d’améliorations réelles faites par le groupe AVIVO ont été systématiquement rejetées. De plus ce sont de belles déclarations d’intention, mais dont la portée réelle est plus ou moins théorique. En outre, on ne pourra pas les faire valoir en justice. Ils resteront donc sans effet dans la pratique. Leur but est ailleurs : à savoir noyer le poisson pour faire avaler au peuple la pilule que représentent de nouvelles dispositions réactionnaires à la portée autrement plus réelle.

Or la nouvelle constitution introduit des reculs sociaux et démocratiques nombreux et particulièrement graves :

U      Le rôle de l’Etat ne serait plus que le « complément de l’initiative privée et   de     la responsabilité individuelle » : c’est la porte ouverte aux privatisations et à    des coupes sombres dans les prestations sociales.

U      La constitution actuelle consacre des articles précis et détaillés aux SIG, aux  TPG et aux établissements médicaux publics. Ces articles précisent leur statut, leur mission, leur fonctionnement et leur financement. Or dans le projet de la constituante, des dispositions importantes de ces articles   passent à la trappe (les SIG n’y sont même plus   mentionnés en tant que tels !). Ces omissions volontaires n’ont qu’un seul et unique but : le démantèlement des régies publiques, voulu de longue date par la droite.

U      L’article 121 de la nouvelle constitution donne au Conseil d’Etat le droit de faire appel à l’armée pour des fins civiles. Cet article qui dépasse de loin le cadre imposé par la Constitution fédérale et qui n’a d’équivalent dans aucune   autre constitution cantonale, est tout simplement inadmissible et contraire à     la démocratie. Il est particulièrement scandaleux en cette année qui marque   les 80 ans de la tuerie de 1932 que les descendants politiques de ceux qui en ont été responsables introduisent une disposition qui donnerait une base          constitutionnelle à la répétition de ces événements.

U      Le nombre de signatures requises pour les référendums et les initiatives  populaires ne seraient plus déterminées par un nombre fixe mais par un    pourcentage du corps électoral : il va donc augmenter ces prochaines   années avec l’augmentation de la population. Ce recul démocratique est    d’autant plus inacceptable que le nombre de signatures requises pour les initiatives et les référendums est aujourd’hui déjà à Genève en proportion du nombre d’électeurs le plus élevé, et de loin, en Suisse.

U     Les articles sur l’énergie et la protection de l’environnement de la constitution actuelle sont vidés de leurs substance et rendus moins  contraignants dans la nouvelle constitution, qui de surcroît donne au Grand  Conseil la possibilité de contourner l’interdiction du nucléaire.

U     Si la nouvelle constitution venait à être acceptée, le Grand Conseil serai obligé d’adapter le droit d’application dans un délai de cinq ans au maximums, ce qui impliquerait un travail législatif d’une rapidité effrénée,   avec des nouvelles lois réactionnaires se succédant à toute vitesse. Les  forces progressistes du canton n’auraient pas la possibilité matérielle de  s’opposer à toutes par référendum, ni même à la majeure partie.
 
Nous n’avons cité que les principaux reculs sociaux et démocratiques contenus dans le texte du projet de nouvelle constitution, mais notre liste est très loin d’être exhaustive. Pour toutes ces raisons, le 14 octobre il faut résolument voter NON !

26 mai 2012

Discours au 21ème Séminaire communiste international

Discours que j'ai prononcé au nom du Parti Suisse du Travail au 21ème Séminaire communiste international de Bruxelles, la plus grande rencontre au sommet entre partis communistes à ce jour et qui a réuni 59 partis cette année.


Chères et chers camarades,

 Tout d’abord, je souhaiterais remercier le Parti du Travail de Belgique pour l’organisation de ce 21ème Séminaire communiste international autour d’une question d’une grande actualité et d’une importance fondamentale pour le mouvement communiste international. Car la crise systémique que le capitalisme traverse actuellement est à la fois lourde de menace et source d’opportunités. Elle présente des défis majeurs aux communistes. Dans cette situation difficile, il est plus important que jamais de savoir articuler de façon juste les tâches immédiates qui se présentent aux partis communistes à la lutte pour le socialisme. Il n’y a que deux sorties possibles de la crise : une sortie dans l’intérêt du capital et de l’impérialisme, ou une sortie dans l’intérêt des peuples et des travailleurs. La bourgeoisie ne peut imposer une sortie de la crise conforme à ses intérêts qu’à un prix terrible à payer par les peuples : un durcissement de l’exploitation capitaliste, une détérioration brutale des conditions de vie des classes populaires et des classes moyennes, des massives et dévastatrices guerres impérialistes. La responsabilité des communistes est de lier les luttes immédiates à la lutte fondamentale pour la seule sortie de la crise dans l’intérêt des travailleurs qui soit possible ; c’est-à-dire le socialisme.

 La question posée par le séminaire ne peut trouver une réponse simple et unique, vraie pour tous les pays et tous les temps. Celle-ci dépend des conditions propres à chaque pays. Les tâches concrètes, immédiates, qui se présentent aux communistes son imposées par les nécessités de la lutte et les circonstances particulières d’un pays donné à un moment donné. La voie vers le socialisme ne peut pas non plus ne pas être différente pour des pays qui sont différents par leur histoire, leur structure économique, leur culture et leur position internationale. Lénine disait : «Tous les peuples viendront au socialisme – ceci est inévitable  –, mais tous les peuples ne viendront pas au socialisme par une voie qui sera exactement la même ; chaque peuple adoptera son approche dans la direction de tel ou tel type de démocratie, dans la direction de tel ou tel type de dictature du prolétariat, dans la direction de tel ou tel type de rééducation de la société en termes de différents aspects de la vie sociale. » La voie vers le socialisme doit être conçue pour chaque pays donné selon les conditions concrètes, les particularités nationales, la structure économique, l’histoire et la culture de ce pays. Il ne serait ni marxiste ni matérialiste de procéder autrement.

 Le Parti Suisse du Travail a mené une réflexion théorique et stratégique approfondie sur les tâches immédiates qui se présentent à lui et sur comment les lier avec une voie vers le socialisme conforme aux conditions spécifiques de la Suisse. La Suisse est en effet un des pays les plus riches et les plus stables du monde capitaliste. La bourgeoisie suisse a réussi à créer un système politique unique au monde, fondé sur la participation de tous les partis importants au gouvernement en permanence  proportionnellement à leur représentation au parlement, ce qui assure une stabilité exceptionnelle au système politique, l’intégration totale de tous les partis aux institutions bourgeoises et la marginalisation de toute opposition réelle, dans l’illusion de divergences fondamentales entre les partis qui participent pourtant au même gouvernement. Ce système est cimenté par l’idéologie du consensus, c’est-à-dire d’une harmonie illusoire entre classe et d’une collaboration entre les partis, dans la négation de la lutte et du conflit. Ce système, cette idéologie du consensus et des droits démocratiques réels d’initiative et de référendum qui permettent aux classes populaires de faire opposition aux décisions de la bourgeoisie, voire de lui imposer parfois leur volonté, donnent naissance à une idéologie conservatrice de la meilleure démocratie possible déjà existante et d’un système harmonieux qu’il serait trop risqué de changer, même dans ses aspects les plus secondaires. Le Parti socialiste, et les syndicats majoritairement contrôlés par lui, portent une lourde responsabilité dans l’établissement de ce consensus conservateur. Le Parti socialiste a abandonné tout discours revendicatif pour s’intégrer aux institutions bourgeoises et participer au gouvernement avec la droite. Il défend désormais l’ordre social et politique établi contre de vrais progrès sociaux et démocratiques. Les syndicats sociaux-démocrates ont signé en 1939 les accords dits de la «paix du travail», qui limitent drastiquement le droit de recours à la grève et remplacent la lutte par la collaboration de classe. La «paix du travail» a permis à la bureaucratie syndicale de s’intégrer à la société capitaliste au prix d’un affaiblissement dramatique du syndicalisme suisse et d’une perte catastrophique de la conscience de classe et des traditions de lutte des travailleurs. Mais ce consensus n’aurait jamais pu avoir lieu sans des salaires comparativement élevés pour les citoyens suisses et que le patronat suisse a pu payer grâce à l’avantage que lui offrait un potentiel productif intact aux lendemains de la deuxième Guerre mondiale, mais aussi  au recours massif à une main-d’œuvre étrangère sous-payée et sans droits. Aujourd’hui toutefois ce consensus conservateur se fissure : le chômage augmente et les bas salaires se généralisent ; la stabilité du système politique est mise à mal par l’UDC, un parti d’extrême-droite, devenu désormais le premier parti du pays, et qui privilégie le conflit sur le consensus.

 Dans ces conditions, la première tâche du Parti Suisse du Travail est de briser le consensus étouffant imposé par la bourgeoisie, afin de changer le rapport de force en faveur des classes populaires, ce qui est un préalable nécessaire pour la construction du socialisme. Nous estimons que la seule voie pour l’organisation des travailleurs et de toutes les classes antimonopolistes, leur unité dans la lutte et leur conscientisation politique passe par la participation, et si possible la direction, par le Parti Suisse du Travail de lutte immédiates et concrètes qui répondent aux aspirations, aux intérêts et au niveau actuel de la conscience des classes populaires. Contrairement à la plupart des pays d’Europe, la Suisse n’est pas touchée par des politiques d’austérité, parce qu’elle n’est pas, ou pas encore, durement touchée par la crise, parce qu’elle n’a presque pas de protection sociale, dont les hauts salaires compensaient autrefois en partie l’absence, et parce que la droite suisse s’emploie depuis des années à démanteler progressivement les acquis sociaux qui existent. Notre première tâche immédiate est de faire échec au projet de démantèlement social de la bourgeoisie, mais aussi de lutter pour l’extension des acquis sociaux et des droits démocratiques du peuple. Un autre objectif fondamental est de mener un travail d’organisation dans les syndicats pour les détacher de l’emprise de la social-démocratie, de briser la «paix du travail» et de leur donner une ligne de lutte de classe. Notre lutte passe aussi nécessairement par la lutte parlementaire et dans les exécutifs. Dans les conditions de la Suisse où les institutions démocratiques bourgeoises sont stables et sont reconnues légitimes par une large majorité de la population, et où des droits démocratiques réels existent, nous considérons qu’il est nécessaire et possible de mener dans ces institutions une lutte réelle pour les intérêts des travailleurs et de leur donner un contenu réellement démocratique. Nous considérons qu’une juste combinaison des luttes parlementaires et extraparlementaires, des luttes concrètes qui répondent aux aspirations et au niveau de conscience politique du peuple, est la seule voie pour organiser les masses populaires dans la lutte, la réalisation de l’unité concrète de toutes les classes antimonopolistes, de briser l’hégémonie idéologique bourgeoise, de la remplacer par une hégémonie des idées communistes, grâce à une propagande qui ne peut être efficace que si elle est associée aux luttes réelles, de construire enfin une majorité populaire soudée autour du Parti Suisse du Travail qui est la pré-condition nécessaire pour l’établissement d’une démocratie populaire et la construction d’une société socialiste. Etant donnée la stabilité du régime bourgeois en Suisse, nous devons concevoir notre lutte pour le socialisme comme un processus de longue durée.

 Mais il va de soi que les lutes sociales et parlementaires n’ont un contenu révolutionnaire et ne servent la cause du socialisme que si elles sont menées par un parti communiste qui fonde son action sur la pensée de Marx, Engels et Lénine, qui explique les vrais enjeux des luttes et qui les place dans la perspective du socialisme, qui n’oublie pas en travaillant dans les parlements que l’Etat bourgeois est un appareil de domination aux mains de la bourgeoisie. Autrement, les luttes les plus justes sont justifiées avec des arguments erronés et dévoyées vers le réformisme, et les luttes parlementaires mènent à une intégration dans les institutions bourgeoises et dégénèrent en social-démocratie.

24 mai 2012

Pour une articulation révolutionnaire : des luttes immédiates à la construction du socialisme

Contribution que j'ai rédigé au nom du Parti Suisse du Travail pour le 21ème Séminaire communiste international de Bruxelles, la plus importante rencontre entre partis communistes aujourd'hui qui a réuni 59 partis communistes et ouvriers cette année.


La question de la relation des tâches immédiates et de la lutte pour le socialisme qui se pose à tous les communistes est une question complexe et hautement fondamentale. Car une réponse juste à celle-ci est une condition sine qua non, un critère essentiel, si ce n’est le seul, pour qu’un parti puisse être considéré comme un véritable parti communiste. En effet, toute mauvaise réponse à cette question, toute articulation erronée entre ces deux aspects, ou toute absence de vraie articulation entre eux mène nécessairement à des erreurs politiques majeures et à une perte de consistance stratégique de la ligne générale, rendant tout objectif révolutionnaire illusoire. Pourtant, la réponse à cette question n’a rien de simple. Elle dépend de la nature des tâches immédiates qui se posent à un parti communiste et la façon dont il conçoit sa lutte pour le socialisme. La façon de lier ces tâches immédiates à la lutte pour le socialisme dépend de la façon dont un parti communiste envisage la lutte pour le socialisme, dépend de comment il conçoit la rupture révolutionnaire avec la société capitaliste, de la forme que la révolution socialiste doit prendre. Il ne serait y avoir de réponses simples ni uniques à ces questions. Elles dépendent étroitement pour chaque parti communiste des conditions concrètes et des particularités nationales du pays dans lequel il lutte. Le Parti Suisse du Travail a consacré une réflexion théorique et stratégique approfondie à cette question, y apportant une réponse correspondant aux conditions qui sont celles de la Suisse. Pour détailler cette réponse, il convient d’abord d’esquisser à grands traits la situation suisse et l’histoire du Parti Suisse du Travail, qui déterminent et expliquent sa pratique et sa pensée.
 

Les conditions concrètes de la Suisse

 Fondé en 1944, dans des conditions d’interdiction du Parti communiste par un Etat en pleine dérive policière et allié de facto à l’Allemagne nazie pendant la Guerre, par les membres de l’ancien Parti communiste suisse d’Avant-guerre, un scission de gauche du Parti socialiste suisse, et de nombreux militants  non affiliés à un parti jusque là, le Parti Suisse du Travail n’a jamais réussi à devenir une force politique importante à l’échelle de la Suisse, bien qu’il l’ait été, et parfois l’est encore, à l’échelle locale à certains endroits du pays, en Suisse francophone principalement. Depuis la fin des années 80, le Parti Suisse du Travail a durement souffert de la crise du mouvement communiste international consécutive à la chute du camp socialiste, et s’est nettement affaibli encore du fait, jusqu’à mettre son existence même en danger, d’une baisse importante du nombre ses membres, des évolutions politiques différentes de ses sections cantonales et de flottements majeurs au niveau de sa ligne politique. Aujourd’hui, le Parti Suisse du Travail est déchiré par une lutte de tendances, allant de la social-démocratie de gauche au marxisme-léninisme orthodoxe, et peine à se reconstruire en l’absence d’une majorité claire au Comité central. Si le Parti Suisse du Travail n’a jamais vraiment réussi à émerger au niveau national, et qu’il est devenu si faible aujourd’hui, c’est à cause d’erreurs de sa part sans doute, mais aussi du fait des conditions suisses, qui sont particulièrement défavorables pour un mouvement révolutionnaire.


 La Suisse est l’un des pays les plus riches et les plus stables du monde. Un des seuls pays où la révolution libérale de 1848 ait triomphé, la Suisse a connu dès lors un régime bourgeois démocratique sans interruption (si l’on excepte la période de la deuxième Guerre mondiale, durant laquelle les libertés démocratiques bourgeoises ont été restreintes, mais non abolies, et où le parlement élu est resté en place, bien que le gouvernement ait reçu les pleins pouvoirs), n’a jamais été en guerre depuis cette date. La stabilité du système politique suisse, l’élection au système proportionnel depuis le début du XXème siècle, l’existence de droits démocratiques sans équivalents dans la plupart des pays du monde que sont le droit de référendum (la possibilité de mettre en votation populaire une loi contre la récolte de 50'000 signatures au niveau national, de même avec proportionnellement moins de signatures aux niveaux cantonal et communal), le droit d’initiative (modifier la constitution en mettant en votation populaire un nouvel article constitutionnel contre la récolte de 100'000 signatures au niveau national, de même au niveau cantonal avec proportionnellement moins de signatures, avec même la possibilité de modifier une loi par voie d’initiative dans certains cantons) qui constituent des réels bien qu’insuffisants contrepoids populaires au pouvoir de la bourgeoisie, la collaboration de la gauche sociale-démocrate et verte avec les partis bourgeois, ont permis d’entretenir l’illusion de la démocratie réelle. Grâce à la haute conjoncture dans l’Après-guerre, l’avantage que possédait la Suisse de posséder un appareil productif intact, l’exploitation massive de la main-d’œuvre étrangère privée de droits politiques et licenciable à merci, la bourgeoisie suisse a pu pendant longtemps maintenir pour les citoyens suisses un chômage bas et des salaires relativement élevés ; ce qui est nettement moins le cas aujourd’hui, même si globalement le chômage reste plus bas et les salaires plus élevés qu’en Union européenne. La combinaison de ces facteurs a permis à la bourgeoisie suisse de maintenir l’illusion d’une démocratie suisse parfaite et d’une communauté d’intérêts entre les classes au sein d’un système globalement harmonieux. L’hégémonie idéologique de la bourgeoisie est tellement forte que le peuple suisse vote très souvent contre ses intérêts les plus évidents en votations populaires.
 Grâce à la complicité active du Parti socialiste suisse, et des syndicats contrôlés par celui-ci, la bourgeoisie suisse a réussi à faire rentrer dans la tête des gens une idéologie conservatrice taillée sur mesure pour assurer sa domination dans la stabilité : l’idéologie du consensus, à savoir une idéologie de la négation des conflits et de la lutte des classes, au profit d’une entente illusoire entre les classes et d’une entente mutuelle qui exclut toute remise en cause du système, sensé être le garant de cet ordre parfait, même dans ses aspects les plus secondaires. Le Parti socialiste suisse a renoncé dès la fin des années trente au marxisme et à toute velléité transformatrice de la société, et participe sans interruption depuis les années cinquante au gouvernement, qui comprend des représentants de tous les groupes parlementaires proportionnellement à leur nombre. Grâce à cette stabilité unique en Europe, la bourgeoisie suisse a pu éviter les tares du présidentialisme et du bipartisme, et conserver un système parlementaire «sain» avec plusieurs partis importants qui conservent des différences idéologiques assez notables entre eux. Les syndicats, dans leur majorité liés au Parti socialiste, ont accepté en 1939 la dite «paix du travail», c’est-à-dire un abandon de la lutte des classes et de l’usage de la grève, sauf en cas de rupture de négociations, au profit d’une pratique de collaboration de classe avec le patronat, et l’abandon d’un syndicalisme de lutte par une bureaucratie syndicale qui a préféré s’installer confortablement au sein de la société capitaliste. Cette pratique de collaboration de classe a beaucoup affaibli le syndicalisme suisse, qui peine à s’en remettre, et a fait perdre à la classe ouvrière toute son indispensable culture de lutte.
 Ce système suisse, si stable et conservateur, est particulièrement hostile aux idées communistes. Ceci dit, ce système commence à se fissurer, ouvrant des nouvelles perspectives pour l’action du Parti Suisse du Travail. Les conditions favorables de l’Après-guerre n’étant plus, et la crise systémique du capitalisme étant là, le patronat suisse ne peut plus et ne veut plus offrir les salaires relativement hauts d’autrefois. Le chômage augmente et les bas salaires se généralisent. Avec cet accroissement de l’exploitation capitaliste, les contradictions entre classes augmentent également. Les licenciements collectifs et les baisses de salaire brutales forcent les travailleurs à lutter pour leurs droits et à retrouver une conscience de classe. Une politique de «paix du travail» est devenue impossible, et les syndicats sont forcés de retourner à un syndicalisme plus combatif, même si l’influence du PS se fait toujours lourdement et négativement sentir. La généralisation des bas salaires rend plus insupportable l’inexistence d’une véritable protection sociale. Le système politique et l’idéologie bourgeoise paraissent relativement stables, mais ils commencent à se fissurer aussi. La crise actuelle, la dégradation de la situation économique en Suisse, le sauvetage des banques à coups de milliards, ont mené à une remise en cause critique du système capitaliste de la part de larges couches de la population, qui deviennent de ce fait plus réceptives aux idées communistes. Le système politique suisse se ressent de ces changements, et a perdu sa stabilité d’antan il y a une dizaine d’années déjà, du fait de la montée d’un parti d’extrême-droite, l’UDC, qui n’était auparavant et sous un autre nom qu’un parti conservateur et minoritaire, mais qui est devenue aujourd’hui le premier parti du pays en réussissant à dévoyer un vote réel de protestation vers un programme démagogique et réactionnaire, et qui bien qu’à mi-chemin entre la droite conservatrice et l’extrême-droite à proprement parler, est devenue un modèle explicite pour nombre de partis d’extrême-droite du continent.

Les réponses stratégiques du Parti Suisse du Travail


 
 Etant données les conditions de la Suisse, décrites ci-dessus, le Parti Suisse du Travail a envisagé une voie vers le socialisme correspondant aux conditions concrètes de la Suisse et dans le cadre de laquelle la question de la relation entre les tâches immédiates et la lutte pour le socialisme trouve sa réponse. La réflexion du Parti Suisse du Travail part de la diversité des situations nationales et de la différence des solutions révolutionnaires qui en résultent. En effet, la voie vers le socialisme ne peut être la même dans des pays aux histoires, situations économiques, systèmes politiques et cultures radicalement différentes. La voie vers le socialisme ne peut être définie a priori, selon des schémas préconçus, ou copiés mécaniquement d’un précédant historique. Elle doit être, pour chaque pays donné, conçue selon les conditions de ce pays. En particulier, la Révolution d’octobre a pu prendre la forme qu’elle a prise dans un contexte d’effondrement de l’Etat tsariste accélérée par la première Guerre mondiale, de la décomposition totale de l’ancienne classe dirigeante féodale sans que la bourgeoisie soit mûre pour créer son propre Etat. Toutes les autres révolutions socialistes du XXème siècle ont eu lieu dans le cadre d’une guerre de libération nationale contre une occupation étrangère coloniale, fasciste ou néocoloniale. Or en Suisse nous n’attendons pas un effondrement de l’Etat ni bien sûr une guerre de libération nationale. Les institutions démocratiques bourgeoises sont stables et devraient le rester. Elles ne devraient pas non plus connaître un discrédit brutal. 
 

 Dans ces conditions, le Parti Suisse du Travail ne peut concevoir sa lutte que comme une lutte à long  terme, qui devra avoir lieu pendant un temps assez long encore sous le régime capitaliste et dans le cadre des institutions démocratiques bourgeoises. Les tâches immédiates qui se présentent à nous ont donc un lien direct avec notre lutte pour le socialisme : elles représentent la seule voie pour unir progressivement toutes les classes antimonopolistes en une majorité populaire unie sous la direction politique du Parti Suisse du Travail afin de pouvoir réellement remplacer la domination bourgeoise par une authentique démocratie populaire et construire une société socialiste. En effet, le Parti Suisse du Travail n’a jamais réussi à être fort que là et lorsqu’il a réussi à mener avec succès des luttes concrètes répondant aux intérêts et aux aspirations des classes populaires et qui ont constituées des avancées significatives pour celles-ci. Au nombre de ces combats, citons, parmi les plus emblématiques, les vacances payées, que le Parti Suisse du Travail a pu imposer contre les partis bourgeois dans plusieurs cantons par voie d’initiative populaire, ce jusqu’à ce que le parlement fédéral enlève aux cantons la possibilité de légiférer sur les vacances payées ; ainsi que la lutte pour des retraites populaires : le Partis Suisse du Travail a réussi par sa lutte à obtenir enfin en 1948 l’AVS, un système de retraites par répartition, qui bien qu’insuffisant pour vivre constituait déjà une avancée énorme. En 1971, le Parti Suisse du Travail lançait une initiative populaire pour des véritables retraites ouvrières, un système de retraites par répartition qui permettent de vivre dignement. Il perdit en votation populaire à cause de la trahison du PS et des syndicats qui ont appelé à voter contre pour par la suite négocier avec les partis bourgeois un système hybride, joignant à l’AVS un système de prévoyance professionnelle par capitalisation, bien plus cher que le système que le Parti Suisse du Travail proposait, inégalitaire et actuellement menacé par la crise financière mondiale. Aujourd’hui, notre Parti envisage de relancer peut-être une initiative populaire pour fusionner la prévoyance professionnelle avec l’AVS dans un système par répartition intégrale.

 De tels combats concrets dans le cadre même de la société capitaliste constituent le seul moyen d’unir réellement toutes les classes antimonopolistes dans la lutte, de forger peu à peu leur unité et leur conscience de classe, de permettre aux classes populaires d’acquérir une expérience de lutte nécessaire pour un jour prendre et exercer le pouvoir, de donner au Parti Suisse du Travail l’audience et l’influence nécessaire pour devenir un parti national puissant et présent dans le pays tout entier, qui seul peut un jour jouer le rôle révolutionnaire qui est le sien. Ainsi, le combat pour des retraites populaires a permis au Parti Suisse du Travail de créer l’AVIVO, l’association de défense des retraités, qui est aujourd’hui devenue une organisation de masse, où le Parti Suisse du Travail continue d’exercer, malgré sa faiblesse, une présence forte et une influence déterminante, et qui a conservé, du moins en grande partie, la ligne combative de classe qu’il a pu y imprimer. Des luttes concrètes de ce type sont aussi le seul moyen de briser l’hégémonie bourgeoise et construire une hégémonie pour les idées communistes autour du Parti Suisse du Travail. La seule propagande pour le socialisme ne suffit pas, ou plutôt elle n’est pas efficace si elle n’accompagne pas des luttes réelles, correspondantes aux aspirations immédiates des travailleurs, si elle ne s’inscrit pas dans leur cadre et ne constitue pas leur prolongement. Les luttes concrètes donnent au parti communiste qui les mène l’occasion d’expliquer les enjeux réels et la nécessité du socialisme pour résoudre vraiment les problèmes que ces luttes posent ; elles lui offrent une audience pour diffuser ses journaux, ses publications, pour assister à ses assemblées publiques et entendre son discours. Parmi les tâches immédiates des communistes figurent bien sûr aussi le travail parlementaire et dans les exécutifs locaux. Dans un pays comme la Suisse où les parlements ont de vraies prérogatives et sont reconnus comme l’émanation légitime de la démocratie par une large majorité de la population, il est nécessaire de prendre le travail parlementaire au sérieux, et d’utiliser toutes les possibilités qu’offrent la participation parlementaire et aux exécutifs locaux pour obtenir des progrès réels pour les classes populaires, tout en veillant à ne jamais se laisser engluer dans la routine parlementaire, et de toujours mener une politique d’opposition résolue et conséquente face à toutes les décisions contraires aux intérêts des travailleurs votées par les parlements, sans jamais oublier dans ces circonstances de dénoncer le caractère limité de la démocratie bourgeoise et le caractère de classe de ses institutions.

 Bien entendu, les luttes concrètes n’ont un caractère révolutionnaire et ne servent la cause du socialisme que si elles sont menées par un parti communiste conséquent, qui fonde son action sur la pensée de Marx, Engels et Lénine, et sur une analyse marxiste approfondie des conditions nationales dans lesquelles il lutte, et qui place ses luttes dans la perspective du socialisme et les accompagne d’une propagande conséquente et efficace. Sans cela, les luttes les plus justes sont menées avec des arguments erronés et sont dévoyées vers l’économisme et le réformisme sans perspective et sans consistance, la participation parlementaire dérive vers la social-démocratie et la défense des institutions bourgeoises. « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire… Seul un parti guidé par une théorie d’avant-garde peut remplir le rôle de combattant d’avant-garde. » disait Lénine. Seul un parti communiste qui fonde sa lutte politique sur une théorie révolutionnaire conséquente peut espérer réunir autour de lui une majorité populaire nécessaire pour construire une société socialiste.

Perspectives révolutionnaires en Europe et mondiales

 La crise systémique que traverse actuellement le système capitaliste mondial est à la fois terrifiante et pleine de promesses.  Elle est terrifiante dans la mesure où elle représente une dégradation brutale des conditions de vie de millions de travailleurs de par le monde, dans la mesure où elle débouche sur des politiques de réaction sur toute la ligne et dans la mesure où elle mène à une aggravation brutale des contradictions inter-impérialistes, à des nouvelles et plus nombreuses guerres d’agressions pour le contrôle des ressources, à une menace de guerre globale. La première tâche immédiate du mouvement communiste international est en ce sens la lutte contre l’impérialisme, contre les guerres impérialistes et pour la défense de la paix. Cette lutte, qui est une lutte contre l’impérialisme qui est le garant d’un ordre mondial réactionnaire et le pire ennemi des peuples qui cherchent un autre avenir, est aussi, et immédiatement, une lutte pour le socialisme .

 Mais la crise mondiale du capitalisme est aussi une opportunité pour les communistes pour donner la seule réponse politique aux peuples qui ne veulent plus supporter l’austérité perpétuelle et l’escalade militaire. Le mouvement communiste international a la responsabilité et le devoir envers les classes populaires d’imposer une sortie progressiste de la crise. Actuellement, en Europe, le principal obstacle aux solutions progressistes, mais aussi le maillon faible de l’ordre capitaliste, est l’Union Européenne et sa monnaie unique. L’Union Européenne, édifiée comme construction technocratique et anti-démocratique, est une véritable chape de plomb néolibérale et une machine de guerre contre les peuples. Ses structures, avec ses fonctionnaires nommés et hors de tout contrôle démocratique, ses chefs d’Etat nommés et l’hégémonie allemande la rendent irréformable. L’Euro, monnaie unique sous contrôle d’une banque centrale liée aux marchés financiers et au-dessus de tout contrôle démocratique, rend impossible tout changement de cap dans les pays membres de la zone Euro. C’est pourquoi, la tâche majeure des communistes dans les pays européens est la lutte contre l’Union Européenne, la lutte pour la sortie de leurs pays respectifs de l’Union Européenne, pour le démantèlement de celle-ci. C’est d’ailleurs aussi une lutte du Parti Suisse du Travail, une lutte contre la reprise systématique du droit européen et les accords avec l’Union européenne qui instaurent les normes néolibérales et anti-démocratiques de la Commission européenne en Suisse, la lutte aussi contre l’européisme béat du Parti socialiste suisse, qui désire toujours voire adhérer la Suisse à l’Union européenne. Il faut combattre résolument l’idée absurde de certains partis communistes de refonder l’Union européenne et l’Euro sur une base progressiste. De par la loi du développement inégal sous le capitalisme, il ne peut y avoir de révolution mondiale, ni même européenne. Les situations économiques des différents Etats membres de l’Union européenne sont trop différentes, les situations politiques encore plus. Or toute réforme de l’Union européenne exige l’unanimité des 27 pays membres. Dans ces conditions, défendre l’Union européenne et l’Euro revient à refuser de facto tout changement de l’ordre établi. Il ne peut y avoir de lutte réelle pour le socialisme sans lutte contre l’Union Européenne et l’Euro. Mais la lutte contre l’Union européenne et l’Euro est aussi une lutte pour le socialisme. Dans plusieurs pays d’Europe  soumis à l’euro-austérité, existe une situation de discrédit total des partis bourgeois et sociaux-démocrates, de contestation populaire et d’instabilité politique qui peut déboucher sur une situation révolutionnaire. Dans les circonstances actuelles il est du devoir de tous les communistes d’être à la hauteur des défis que présente la crise du capitalisme, pour déjouer la menace du fascisme qui plane avec la montée de l’extrême-droite en Europe et d’imposer une sortie socialiste de la crise.