11 décembre 2011

Législatives russes : le début de la fin du régime de Poutine


Dimanche 4 décembre dernier, la Russie élisait la Douma d’Etat, la chambre basse de son parlement. Tous les médias l’ont souligné : ce scrutin constitue un revers pour le Parti au pouvoir Russie Unie, le Parti du Poutine, qui perd la majorité des deux tiers qu’il avait à la législature précédente, et chute à 49,35%. C’est un désaveu cinglant du régime par le peuple, même si grâce à un système proportionnel complexe de répartition des sièges Russie Unie gardera une très faible majorité absolue au parlement…désaveu d’autant plus cinglant que des fraudes massives en faveur du parti au pouvoir sont avérées, mais n’ont malgré tout pas suffit pour lui permettre d’atteindre la barrière symbolique de 50%, nécessaire pour donner un semblant de légitimité au pouvoir monocolore actuel. Ce que les médias bourgeois ont beaucoup moins dit, c’est que le Parti communiste de la fédération de Russie (KPRF), deuxième parti du pays et seule véritable force d’opposition, a gagné 19,2% des voix, doublant ainsi son score des dernières législatives de 2007, et ce malgré les falsifications à grande échelle en faveur de Russie Unie. Deux autres partis d’opposition de façade, objectivement satellites de Russie Unie, seront représentés au parlement. Russie Juste tout d’abord, avec 13,25% des voix, parti officiellement social-démocrate créé par les stratèges de Poutine en 2006 pour prendre des voix au KPRF, dont le nom fait miroir à celui de Russie Unie, et qui est présidé Par Serguei Mironov, ancien président de la chambre haute (même la présentatrice de la première chaîne de la télévision officielle n’a pu s’empêcher une pointe d’ironie dans la voix en annonçant que «Mironov se révèle en fait un opposant»). A la Douma, Russie Juste vote presque toujours avec Russie Unie, a soutenu Dmitri Medvedev aux présidentielles de 2008, et a annoncé son soutien au tandem Poutine-Medvedev en 2010. Le Parti libéral-démocrate de Russie (LDPR), ensuite, avec 11,68% des voix. Ce parti, fondé en 1989, le plus ancien de la Russie postsoviétique, est dirigé par Vladimir Jirinovski pratiquement depuis sa fondation. Démagogue d’extrême-droite ultranationaliste qui ferait passer Blocher pour la réincarnation de la rationalité et de la modération en comparaison, et bien que considéré généralement comme un clown, Jirinovski arrive à séduire les couches les plus dépolitisées de la population. Pour le reste, le LDPR est un parti fantoche du régime qui vote généralement avec Russie Unie. Les partis libéraux, si chouchoutés par la presse bourgeoise occidentale, n’ont aucun poids politique réel en Russie, et aucun n’a approché, ne serait-ce que de loin, le quorum de 7%.

Ces résultats marquent le début de la fin de la parenthèse tragique ouverte par la liquidation de l’URSS. Depuis le renversement du socialisme, la Russie a évolué vers un modèle capitaliste compradore et mafieux, fondé sur l’exportation des ressources naturelles et leur concentration des les mains de quelques oligarques, au prix d’un brutal déclin de la production industrielle et agricole et d’une misère généralisée : plus de la majorité des Russes vient aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Depuis les années 2000, ce capitalisme compradore est doublé d’un régime politique autoritaire créé par Vladimir Poutine. Pour permettre à leur régime de plus en plus impopulaire de survivre, les grands oligarques se sont rassemblés en une force politique unique, un parti contrôlant la majorité qualifiée des sièges au parlement : Russie Unie ; et autour d’un chef unique : Vladimir Poutine. Communément surnommée «parti des escrocs et des voleurs», Russie Unie se présente comme un parti de droite conservateur à l’idéologie incohérente et fourre-tout : nationalisme, libéralisme, conservatisme, centrisme...En réalité c’est un parti très proche par sa nature du RCD de Ben Ali ou du PND de Moubarak : un parti-Etat mafieux et corrompu, contrôlant l’Etat et assurant une façade démocratique grâce à quelques partis d’opposition fantoches. Pendant un certain temps, Poutine à pu se maintenir, lui et son parti, grâce à un discours démagogique à géométrie variable : réutilisation de symboles soviétiques, étatisme, patriotisme, anti-américanisme…Mais aujourd’hui, plus personne ne croit à ce discours et le régime s’effrite. Malgré une propagande permanente sur toutes les chaînes de télévision et des fraudes électorales massives et variées, Russie Unie n’arrive pas à atteindre la majorité absolue des voix, et son score réel est certainement bien inférieur encore. La contestation populaire croît et des milliers de gens ont manifesté au lendemain des élections pour dénoncer les fraudes et exiger le départ de Poutine.

La presse bourgeoise parle beaucoup des opposants libéraux. Mais en réalité, les libéraux en Russie sont pour la plupart des anciens notables de l’époque Eltsine qui n’ont pas su se maintenir au pouvoir, et ne sont dans l’opposition que par nécessité, non par convictions démocratiques. Ils n’ont aucun soutien populaire et sont détestés plus encore que Poutine pour leur rôle dans les privatisations des années nonante. Mais à la différence de la Tunisie et de l’Egypte, il y a en Russie une force politique organisée et influente, capable de proposer une alternative politique au régime des oligarques, et cette force est le Parti communiste. Le score du KPRF, déjà excellent d’après les chiffres officiels (en Europe, l’AKEL est le seul parti communiste qui obtient des résultats supérieurs), et encore fortement sous-évalué du fait des falsifications, est la preuve du discrédit total des tenants du capitalisme, qu’ils soient libéraux, conservateurs ou nationalistes, la prise de conscience des classes populaires que le capitalisme va à l’encontre de leurs intérêts et que le rétablissement d’une société socialiste est au contraire une nécessité absolue, mais aussi du résultat du propre travail politique du KPRF. Créé comme reconstruction du PCUS de la Fédération de Russie, interdit par Eltsine, le KPRF n’a pas su lutter efficacement contre la restauration intégrale du capitalisme et l’instauration du pouvoir oligarchique, et a dû passer par des hauts et des bas, par de multiples luttes internes, tergiversations idéologiques et scissions, accusations parfois justifiées d’opportunisme et de collaboration avec le pouvoir, pour se débarrasser des séquelles héritées du PCUS tardif et redevenir pleinement un parti communiste de masse et de lutte, organisé, combatif, prêt à lutter jusqu’au bout pour la réalisation d’un programme révolutionnaire cohérent. Grâce à une politique d’opposition sans concession au parlement et à l’organisation de manifestations dans la rue, une lutte idéologique contre la propagande anticommuniste du pouvoir oligarchique et pour la défense de l’héritage soviétique ; ainsi qu’un programme politique clair et cohérant, centré sur la nécessité de renationalisation des filières stratégiques de l’économie, la réindustrialisation du pays, la reconstruction des services publics, la hausse du niveau de vie et la défense de la souveraineté nationale, le KPRF a pu renforcer son ancrage populaire et renflouer ses rangs avec des nouveaux et jeunes militants. Dans une conférence de presse donnée le lendemain des élections, Guennadi Ziouganov, président du Comité central du KPRF, a déclaré celles-ci «totalement illégitime», mais aussi que «Russie Unie a non seulement subi une défaite, mais une défaite fracassante». Le KPRF a organisé des manifestations dans de nombreuses villes de Russie et a fait des recours en masse aux tribunaux pour contester les résultats et exiger le départ de Poutine. Ziouganov a aussi souligné que le doublement de son groupe parlementaire à la Douma offre au KPRF de nouvelles possibilités, comme «des saisies extraordinaires du Tribunal constitutionnel, de la Cour des comptes, jusqu’au lancement d’une motion de censure contre le gouvernement» et que dans tous les cas ce n’est que le début de la lutte pour le renversement du pouvoir de Russie Unie et le rétablissement du socialisme.

07 septembre 2011

Depuis quatre mois, des grèves massives secouent l’héritage de Pinochet au Chili

Camila Vallejo, jeune communiste
à la tête des étudiants en lutte

Les 24 et 25 août derniers, une grève générale rassemblant plus de 600'000 personnes a secoué le Chili, ce qui est considérable pour ce petit pays qui compte un peu moins de 17 millions d’habitants. Cette grève générale de 48 heures, convoquée par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) et 600 organisations syndicales de base, avait été interdite par le gouvernement de droite du président Sebastiàn Piñera, ainsi que toute manifestation par la même occasion. Malgré cette interdiction, la grève eut tout de même lieu. Le gouvernement réactionnaire choisit alors de déchaîner une répression féroce contre le peuple en lutte : 1'394 arrestations et même des tirs à balles réelles. Un jeune lycée de 16 ans, Manuel Gutiérrez Reinoso, fut ainsi abattu d’une balle en pleine poitrine par un policier, ce alors qu’il ne faisait que suivre la manifestation à deux pas de son domicile. Ces méthodes répressives ressemblent à s’y méprendre à celle d’une dictature, comme le dit très bien Gonzalo Taborga, président de la Commission chilienne des droits de l'Homme: « On vit aujourd'hui au Chili sous un État policier qui ne reconnaît pas le droit à manifester ».

La grève générale de la semaine dernière, convoquée par les syndicats des travailleurs, ne fut pourtant que le point culminant d’un mouvement de lutte qui débuta le mois de mai dernier, un mouvement étudiant. Pour comprendre les origines de ce mouvement, il est nécessaire de remonter quelque peu en arrière dans le temps. L’histoire, tout le monde la connaît dans les grandes lignes : 1970 élection de Salvador Allende à la présidence et tentative de construire par la voie démocratique une société socialiste ; 1973 coup d’Etat de Pinochet et établissement d’une dictature fasciste ; 1990 chute de la dictature et instauration d’une démocratie bourgeoise ; pendant 20 ans gouvernement de coalition entre le Parti socialiste, héritier formel du parti de feu Allende, et du Parti démocrate-chrétien, la Concertation ; 2010 élection de Sébastiàn Piñera à la présidence et retour de la droite au pouvoir. Mais il y a comme une omission dans cette histoire officielle : Pinochet et sa dictature ne sont plus, mais le pinochetisme lui est bel et bien toujours là, et les socialistes chiliens, héritiers de Salvador Allende par le nom de leur parti, sont de par leur politique les dignes héritiers de…Pinochet ! Outre le fait bien connu que Pinochet lui-même n’a jamais été personnellement inquiété, malgré ses crimes, il demeure un fait moins connu : la Constitution en vigueur est toujours celle rédigée en 1980, en pleine dictature. Le régime néolibéral des plus brutal qui soit, imposé alors, est toujours resté intact, et les socialistes au pouvoir n’ont pas même fait semblant de vouloir y toucher.

Un des traits caractéristiques du système chilien est que l’Etat s’est presque totalement désengagé de l’éducation, qui est largement privatisé. Les rares écoles publiques qui subsistent sont aux frais des communes, qui n’ont pas les moyens de les financer décemment, mis à part les communes riches, ce qui crée des inégalités criantes. Les universités sont absolument inaccessibles aux classes populaires. Les frais de scolarité peuvent atteindre des sommes astronomiques allant jusqu’à 1'800 $ par mois (la norme étant entre 250 et 860 $ par mois), et ce même dans les universités publiques ! De tels tarifs sont absolument hors de portée des classes populaires, ils dépassent le revenu mensuel total de beaucoup de familles. Pour les classes moyennes, envoyer leurs enfants à l’université représente des sacrifices insupportables. L’Etat «offre» aux étudiants des prêts bancaires avec des taux d’intérêts de 4%. La plupart des étudiants chiliens commencent leur vie active avec des dettes de l’ordre de 30'000 $. En cas de non-paiement, des peines de prison et/ou des saisies immobilières peuvent être prononcées. Ensuite, les ex-étudiants endettés se retrouvent sur une liste appelée Dicom que les patrons utilisent pour ne pas embaucher ceux qui ont le malheur de s’y retrouver, les condamnant ainsi à une mort professionnelle et sociale. Tout ceci fait du système éducatif chilien l’un des plus chers et des moins efficaces au monde. Preuve, si besoin était, de l’absurdité de l’idée de confier à des privés ce qui est une tâche de service public, et donc de l’Etat, ainsi que voudraient faire certains à droite chez nous.

Au mois de mai, en déclarant vouloir accentuer encore la privatisation de l’éducation, le président Piñera a mis le feu aux poudres. Le premier juin, une grève de 20'000 étudiants éclate à Santiago, la capitale. Des fonctionnaires, des professeurs, des recteurs la soutiennent. Puis suivent des occupations de lycées : plus de 600 ! Le gouvernement réactionnaire tente d’abord de dénigrer le mouvement, avec exactement la même démagogie que la droite en Europe, accusant les étudiants d’irresponsabilité, puis de le réprimer à coup d’arrestations et de tabassages en masse. Mais ni les discours méprisants, ni les matraques, n’ont pu faire plier la détermination des étudiants. Le mouvement n’a fait que prendre de l’ampleur, vite soutenu par les fonctionnaires, les travailleurs, les syndicats, et les parents sous le slogan «je me bats pour mes enfants ». Le 21 août, c’est plus d’un million de personnes qui sont descendues dans la rue pour soutenir les étudiants en lutte.


Aujourd’hui, l’objectif du mouvement est clairement politique et suppose une rupture totale avec le modèle néolibéral mis en place par Pinochet : éducation publique et gratuite de qualité grâce à la réforme de la fiscalité et à la nationalisation du cuivre (le Chili possède 20% des réserves mondiales, nationalisées intégralement par Allende, puis privatisées par Pinochet). La secrétaire de la Fédération étudiante de l’Université du Chili (FECH) et militante des Jeunesses communistes Camila Vallejo affirme : « ce modèle néolibéral ne nous convient pas. Son seul but est le profit et les intérêts d'une minorité. Nous estimons qu'il est nécessaire d'avancer vers un système plus égalitaire. Nous voulons un pays libre, un pays juste, plus démocratique et plus égalitaire. Et c'est pour cela que nous avons besoin d'une éducation de qualité pour tous. »

Le gouvernement réactionnaire ne peut proposer que des demi-mesures cosmétiques, mais le temps est compté pour son régime. Soutenu à l’origine par 37% des Chiliens, le mouvement étudiant l’est aujourd’hui par 81%. Camila Vallejo récolte 68% d’avis positifs. La cote du président Piñera quant à elle se monte à seulement 26%. Le mouvement de lutte né au mois de mai dernier ouvre la voie à un profond changement de société au Chili. Si aujourd’hui le Parti communiste chilien s’en sort à peine mieux que le Parti Suisse du Travail, avec 3 sièges sur les 120 que compte le parlement chilien, il peut et doit jouer un rôle majeur dans la période de bouleversements majeurs ouverts par les étudiants en lutte, une période caractérisée par l’exigence d’une rupture totale avec l’héritage néolibéral putride de la dictature de Pinochet, le retour à l’espoir ouvert et refermé trop tôt avec Salvador Allende, celui d’une société socialiste.

11 mai 2011

Face à la restructuration néolibérale et à l’arrogance du rectorat, la mobilisation des bibliothécaires continue



Notre journal avait déjà parlé du mouvement de résistance des bibliothécaires de l’Université de Genève (UNIGE) face à une restructuration inspirée du new public management menée à marche forcée par le rectorat, muré dans son arrogance et refusant toute forme de dialogue social avec son personnel. A ce jour, rien n’a changé. Malgré l’opposition de l’ensemble du personnel des bibliothèques, de tous les corps académique, de l’assemblée universitaire, de la CUAE (Conférence universitaire des associations d’étudiants, le syndicat des étudiants de l’UNIGE) et même de l’avertissement du pourtant très néolibéral Grand Conseil, le rectorat se mure dans son autisme et s’obstine à imposer ses vues de force et dans l’opacité la plus totale.

Rappelons les faits : fin 2010, le rectorat entreprend une vaste restructuration des quelques 47 bibliothèques universitaires dans le but de leur centralisation au sein d’une structure unique, pour pallier les problèmes évidents liés à l’éclatement des bibliothèques aujourd’hui et améliorer leur fonctionnement pour mieux répondre aux besoins des usagers, était-il dit officiellement. Les bibliothécaires avaient au départ salué ce projet…pour vite déchanter. Le rectorat a effet choisi dès le prime abord la voie de l’opacité et du non-dialogue avec le personnel, ne lui accordant que des réunions d’information et une plateforme question-réponses à peu près aussi informatives qu’un communiqué militaire…et engagé un consultant externe, ne connaissant rien du fonctionnement des bibliothèques car spécialiste en électricité auprès d’EDF, et payé 2000,- par jour ! Les économies c’est important paraît-il, mais visiblement pas pour tout le monde…

Ledit consultant donc, ignorant totalement son sujet et entiché de vocabulaire managérial en usage dans le privé et tout à fait inapproprié pour une institution de service public (comme «client» au lieu d’«usager», ou «stock» au lieu de «fond») s’est fendu d’un rapport vaguement bricolé aux propositions ubuesques, tellement mauvais que le rectorat a essayé de le classé secret d’Etat, avant de devoir accepter sous pressions de toutes parts de le rendre consultable, et ce dans certaines bibliothèques seulement. Depuis, le rectorat s’obstine de mettre ce projet en route, ne communiquant que dans le flou et au compte-goutte. Les bibliothécaires ont été obligées de repostuler pour les postes qu’elles occupaient déjà, avec CV et lettre de motivation à l’appui, ce quelque soit le nombre d’années déjà passées au service de l’UNIGE, et sans que le rectorat ne veuille en expliquer les raisons, ce qui n’a pas manqué de semer le trouble chez les employés, mis ainsi en concurrence entre eux.

Et ce n’est pas tout, loin de là. La réorganisation suppose une centralisation avec à la clé une pyramide hiérarchique rigide, à l’organigramme incompréhensible et qui transfère une partie du personnel vers les échelons intermédiaires…ce qui accroît d’autant la charge de travail pour les bibliothécaires qui restent en place. Cette politique a déjà poussé une vingtaine de personnes à démissionner ou à prendre une retraite anticipée. L’ensemble des documents détenus par les 47 bibliothèques seraient centralisés dans une macro-classification unique, ce qu’aucune université au monde n’a fait à ce jour, avec une méthode de classement incohérente, mais dont le but est très clair : privilégier les seuls pôles d’excellence, soit les filières rentables pour le marché, et ghettoïser les autres ! Selon un scénario envisagé par le rectorat, les 2/3 des collections seraient transférées au dépôt, ce qui diminuerait drastiquement les facilités d’accès pour les étudiants. Le nombre de guichets d’accueil serait fortement réduit et se limiteraient à un service de références généraliste, avec un seul bibliothécaire spécialisé par discipline. La médiathèque serait liquidée, ses documents disséminés à travers les bibliothèques existantes…ou simplement retirées de la circulation. Malgré toutes les dénégations du rectorat, le démantèlement du service public est patent !

Malgré que la commission des pétitions du Grand conseil ait soutenu la pétition des bibliothécaires demandant au rectorat d’ouvrir un vrai dialogue avec le personnel avant de restructurer quoi que ce soit, malgré que l’assemblée de l’université, tous les corps académiques e et la CUAE demandent au rectorat de revoir sa copie, celui-ci s’obstine, admettant à la rigueur des «erreurs de communication»…sans changer sa politique d’un iota ! Des flyers sont aujourd’hui distribués dans les bibliothèques pour informer les étudiants de la menace que représente cette restructuration, les bibliothécaires ont ouvert un blog (http://bibliothecairesunige.blogspot.com/) pour coordonner et mener leur lutte, et la résistance continue face à un rectorat qui n’est pas à son coup d’essai pour essayer de démanteler l’institution de service public qu’est l’UNIGE pour en faire, à l’image de ce qui est aujourd’hui souvent le cas en Union européenne, une entreprise quasi-privatisée au service exclusif des entreprises et des besoins du marché.

03 mai 2011

Constitution genevoise : analyse comparée de la Constitution en vigueur et de l’avant-projet de l’Assemblée constituante




1. Introduction et historique des faits
Il y a près de trois ans de cela, les électeurs genevois avaient approuvé en votation populaire, à l’initiative d’un comité formé de juristes principalement issus de la droite, la création d’une Assemblée constituante, chargée de réécrire totalement la Constitution genevoise, qui date de 1847 mais qui a fait l’objet de maintes modifications partielles depuis, en partant non pas du texte actuel mais de la page blanche. Le Parti du Travail avait alors, de même que solidaritéS, et contre les partis bourgeois et la gauche réformiste, appelé à refuser une telle modification totale de la Constitution. En effet, il était évident que dans le contexte politique actuel de réaction sur toute la ligne et de domination politique de la droite, le résultat ne pouvait qu’être catastrophique pour les classes populaires. Le but avoué des idéologues bourgeois, menés par les libéraux, les radicaux et le patronat (ce qui n’est au fond qu’une seule et même chose) était d’obtenir un texte «moderne», c’est-à-dire, en novlangue néolibérale, vidé de tous les acquis sociaux et démocratiques obtenus de haute lutte par les travailleurs et le mouvement progressiste durant le XXème siècle. Du reste, la modification totale d’une Constitution, qui est la Loi fondamentale sur laquelle se calquent toutes les lois d’un Etat donnée, est un fait politique majeur qui équivaut globalement à un changement de régime. C’est un fait politique majeur et exceptionnel, qui n’est jamais banalisé, sauf par la Constituante genevoise peut-être. En France, un changement de Constitution implique un changement de République (la Quatrième et la Cinquième république ne sont séparées que par une modification totale de la Constitution, sans coupure par un régime non-républicain…elles sont pourtant considérées comme deux régimes à part entière). Les Etats-Unis d’Amérique vivent avec une seule et unique constitution, à peine amendée, depuis leur fondation. L’Italie vit avec la même Constitution depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. L’Union soviétique n’a eu en tout et pour tout que deux Constitutions. Le Canton de Genève, en cette aube du troisième millénaire, ne vit pour l’instant aucun bouleversement majeur qui justifierait un changement de Constitution. Les arguments invoqués par les promoteurs de la Constituante : à savoir que le texte actuel, qui date de la mi-XIXème, qui est vieilli, qui a été modifié morceau par morceau, sans souci de sa cohérence interne, et qui présente des lacunes, doit être réajusté, pour ce qui concerne les questions institutionnelles principalement, ne justifiait pas l’élection d’une Constituante. Le Grand Conseil aurait pu s’en charger, ce qui aurait eu l’avantage de permettre au peuple de se prononcer sur chaque modification séparément. Or il est clair que le but de la droite était tout autre et c’était un but politique et non juridico-formaliste. Ce but était très simple : une Constituante élabore un texte constitutionnel complet qui est à prendre ou à laisser, et que le peuple peut accepter en bloc, auquel cas il remplace la Constitution actuelle, ou le rejeter en bloc, auquel cas la Constitution actuelle reste en vigueur. La droite, qui savait évidemment qu’elle serait majoritaire à la Constituante, avait prévu d’utiliser la formule, tout à fait antidémocratique, du paquet ficelé : rédiger de toute pièce une nouvelle Constitution vidée des acquis précieux obtenus en votations populaires pendant plusieurs décennies, et espérer que le peuple veuille bien accepter des régressions qu’il n’aurait jamais acceptées telles quelles si elles sont noyées dans un texte constitutionnel complet pour ne pas jeter à la poubelle quatre années de travail. En tout cas, le peuple a voté, et une Constituante, à majorité de droite comme il était prévisible, fut élue il y a un peu plus de deux ans.


La suite confirma, cela aussi était prévisible, que le Parti du Travail avait eu pleinement raison. La droite, qui avait un objectif politique bien défini, fit bloc et usa d’une stratégie agressive pour son agenda réactionnaire au-delà de toute limite et au-delà du simple réalisme politique, si bien que l’on était proche d’un retour intégral à l’Ancien régime et que la droite, arrivée à un texte qu’il était manifestement impossible de faire accepter, dut finir par faire des concessions. Nous ne pouvons que regretter que la bourgeoisie arrogante n’ait pas rencontré face à elle une gauche qui ait fait preuve de la même unité et de la même détermination. Les forces de la gauche réformiste, plus précisément le Parti socialiste et les Verts, qui s’étaient déjà laissé prendre par la rhétorique, absolument ridicule, de la Constituante comme merveilleux exercice démocratique qui allaient permettre de tout réinventer…et n’ont précisément pas compris qu’il ne s’agissait pas de réaliser le vieux slogan soixante-huitard «l’imagination au pouvoir !» mais d’imposer un projet politique réactionnaire, se sont obstinés à continuer de ne pas le comprendre, alors même que les faits parlaient d’eux-mêmes. Loin de livrer un combat frontal, politique et idéologique, contre les forces de la bourgeoisie, le Parti socialiste et les Verts se sont accrochés au concept, totalement vide de sens, de «consensus», et ont, au lieu de combattre sans concession le projet bourgeois et de dénoncer son caractère antipopulaire, comme il aurait fallu le faire, ils ont absurdement reproché à la droite de ne pas vouloir chercher le «compromis» avec eux, et de vouloir imposer son projet en bloc plutôt que de faire tous ensemble une Constitution de «consensus». Or l’idée d’une Constitution de «consensus» est absurde. Il est regrettable de le dire, mais le Parti socialiste et les Verts ont oublié les prémisses les plus élémentaires de ce que devrait être une pensée politique de gauche, et que, c’est triste de l’admettre, la droite comprend de fait bien mieux. Ces prémisses sont, premièrement, que «Toutes les luttes à l’intérieur de l’Etat, la lutte entre la démocratie, l’aristocratie, la monarchie, la lutte pour le droit de vote, etc., ne sont que les formes illusoires sous lesquelles sont menées les luttes effectives des différentes classes entre elles» (Marx & Engels) , et deuxièmement que «l’Etat est le produit et la manifestation de ce fait que les contradictions de classes sont inconciliables. L’Etat surgit là, au moment et dans la mesure où, objectivement, les contradictions de classes ne peuvent être conciliées.» (Lénine) Nous rajouterons une troisième prémisse, qui dit que la Constitution est la loi fondamentale de l’Etat moderne. Il s’en suit donc évidemment qu’une Constitution est un texte à caractère indiscutablement politique, qui représente les intérêts de la classe dominante du moment et qui sont strictement inconciliables avec ceux des classes dominées. Il ne saurait donc y avoir de Constitution de «consensus», ni même de «compromis» dans un contexte politique où les forces de la Réaction dominent sans partage ou presque. La droite, qui promeut par tous les moyens les intérêts de la classe qu’elle représente, la grande bourgeoisie, a compris cette réalité fondamentale. Pas la gauche réformiste.


Le mois de mars dernier, l’Assemblée constituante, qui arrive à mi-parcours de son travail, a procédé à une consultation de la population genevoise et des organisations représentatives, dans l’espace d’un délai beaucoup trop court toutefois. Le Parti du Travail a répondu à cette consultation, après avoir soigneusement analysé l’avant-projet de nouvelle Constitution, en comparaison avec la Constitution actuelle. Et la conclusion à laquelle nous sommes arrivés est que le texte actuel est globalement inacceptable car contraire aux intérêts populaires et présentant de nets reculs par rapport à la Constitution actuelle. Il faut certes reconnaître que l’avant-projet est, à bien des égards, plus détaillé, plus complet, souvent plus précis, plus cohérent, parfois mieux et élégamment écrit que la Constitution actuelle, et qu’il propose même quelques progrès sociaux et démocratiques mineurs. Il faut même reconnaître que les régressions sont moins nombreuses qu’on ne le dit, mais cela vient simplement du fait que les dispositions progressistes qu’il a déjà été possible d’introduire dans la Constitution actuelle se comptent sur les doigts de deux mains, ce qui ne les rend pas moins indispensables, bien au contraire. Il reste que des dispositions fondamentales introduites en votations populaires sont soit simplement passées à la trappe, soit vidées de leur substance par l’usage de formulations plus floues et moins contraignantes. Des dispositions réactionnaires, absentes dans la Constitution actuelle, sont rajoutées dans l’avant-projet. Le Parti du Travail considère qu’aucune disposition progressiste obtenue en votation populaire n’est négociable, et qu’aucune disposition réactionnaire, ancienne ou nouvelle, n’est tolérable. La moindre disposition progressiste supprimée, ou la moindre disposition réactionnaire rajoutée doit mener immédiatement au rejet de la nouvelle Constitution. Bien que l’avant-projet ne soit qu’un brouillon, nous ne nous faisons, contrairement à d’autres, aucune illusion sur la volonté de «compromis» de la droite, c’est pourquoi, nous commençons là un combat fondamental, le combat pour le rejet en votation populaire du texte de la future nouvelle Constitution.
2. Libertés syndicales et droit de grève
Nous commencerons l’analyse des enjeux principaux de la Constituante par celui qui est pour nous en tant que Parti du Travail, parti de la classe ouvrière et de tous les travailleurs, le plus important ; à savoir la question des libertés syndicales et du droit de grève. Sur ces questions, la Constitution en vigueur ne dit absolument rien. La Constitution fédérale et la loi s’appliquent donc directement. L’avant-projet, en revanche, reprend la formulation extrêmement restrictive de la Constitution fédérale, qu’il élargit de façon certaine, mais totalement insuffisante pour autant. Les passages en question étant brefs, les enjeux d’une importance extrême et les moindres détails de formulation essentiels, nous nous permettrons de les citer in extenso. La Constitution fédérale contient un article unique, l’Article 28, intitulé liberté syndicale, qui dit :


1. Les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d’y adhérer ou non.
2. Les conflits sont, autant que possible, réglés par la négociation ou la médiation.
3. La grève et le lock-out sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail et sont conformes aux obligations de préserver la paix dut travail ou de recourir à une conciliation.
4. La loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes.


L’avant-projet contient deux articles, l’Article 36, intitulé Liberté syndicale, dont la teneur est :


1. La liberté syndicale est garantie.
2. Nul ne doit subir de préjudice du fait de son appartenance ou de son activité syndicale.
3. L’accès à l’information sur les lieux de travail est garanti.
4. Les conflits sont, autant que possible, réglés par voie de négociation ou de médiation.


Et l’Article 37, intitulé Droit de grève, qui dit :


1. Le droit de grève n’est garanti que s’il se rapporte aux relations de travail et s’il demeure conforme aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation.
2. La loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes ou limiter son emploi afin d’assurer un service minimum.


Dans notre canton très patronal et où les licenciements abusifs antisyndicaux tendent à être la règle (le scandaleux licenciement de Marisa Pralong fait exemple), l’alinéa 2 de l’Article 36 de l’Avant-projet et une nouveauté plus que bienvenue, c’est même la moindre des choses dans un Etat qui se dit démocratique. Toutefois, il faut rester conscients que l’impact réel de cette avancée, qui n’en demeure pas moins importante, resterait très limité, étant donné que la législation suisse n’offre quasiment aucune protection aux travailleurs, et qu’en cas de licenciement reconnu comme abusif l’employer n’est aucunement contraint de réengager la personne (seule une partie des fonctionnaires jouit de ce droit, qui devrait être universel) et ne peut qu’être condamné au grand maximum (ce qui n’arrive que très rarement) à verser tout au plus six mois de salaire.


La garantie de l’accès à l’information syndicale sur les lieux de travail est absolument indispensable, mais reste notoirement insuffisante, de plus la formulation est floue. L’extension du concept d’ «information syndicale» n’est pas définie, et les représentants politiques du patronat qui sont aujourd’hui au pouvoir ont toute latitude pour l’interpréter simplement comme information sur le fait que les syndicats existent. Le Parti du Travail estime indispensable que non seulement le droit à l’information syndicale, mais aussi celui à la présence syndicale sur les lieux de travail soit garanti. Le droit à la présence syndicale dans les entreprises est absolument indispensable pour que les travailleurs puissent s’organiser efficacement afin de défendre leurs droits, et ce dans toutes les entreprises et dans tous les secteurs, face à un patronat arrogant et imbu de ses privilèges qui n’hésite pas à faire usage d’une politique violemment antisyndicale, à interdire aux syndicats toute activité et toute information sur le lieu de travail et dans ses alentours immédiats, avec l’appui des forces de répression de l’Etat bourgeois, ou qui refuse de négocier avec les organisations syndicales réellement représentatives des travailleurs au profit de pseudo-syndicats jaunes maison à la botte du patron (comme l’a fait l’entreprise ISS en refusant de négocier avec le SSP qui soutenait les grévistes au profit d’un pseudo-syndicat maison PUSH bricolé pour les besoins de la cause), ce qui est tout à fait contraire aux conventions de l’OIT ratifiées par la Suisse.


Mais les restrictions drastiques imposées au droit de grève suffiraient seules à rendre l’Avant-projet totalement inacceptable. Le Parti du Travail souhaite rappeler qu’en régime capitaliste, qui est objectivement fondé sur l’antagonisme irréductible et la lutte entre classe, entre exploiteurs et exploités, entre travailleurs et patronat, il ne saurait y avoir une quelconque «paix du travail». Celle-ci n’est qu’une escroquerie patronale, destinée à désarmer les travailleurs, à émousser l’action syndicale et à la faire dériver vers la collaboration de classe, ceci afin de resserrer les chaînes des salariés et à les faire docilement courber l’échine sous le joug du patronat. Depuis que cette fameuse soi-disant «paix du travail», qui n’est rien de plus que soumission aux barons du capital, existe, elle a fait un mal inestimable au mouvement ouvrier suisse, désorganisé les travailleurs, affaibli considérablement l’action syndicale et ouvert la voie à la réaction la plus brutale qui ne rencontre que peu de résistance de la part de classes populaires qui ont perdu les traditions de lutte indispensables pour la défense de leurs droits. Les nécessités de la lutte des classes exigent de briser la paix de travail au profit d’une lutte sans concessions. Les travailleurs ne doivent jamais oublier que les droits ne s’obtiennent que par la lutte sans concessions et au terme d’une épreuve de forces, et non dans de gentillettes «conciliations» entre «partenaires sociaux», qui sont pipées d’avance, puisque les soi-disant «partenaires» ne le sont pas, car évidemment c’est le patron qui décide despotiquement, comme aux temps d’Ancien régime. Il convient de rappeler l’enseignement de Karl Marx : « Les syndicats agissent utilement comme centres de résistance aux empiètements du capital. Ils échouent en partie quand ils font un usage peu judicieux de leur puissance. Ils échouent entièrement quand ils se livrent à une simple guérilla contre les effets du système actuel, au lieu d'essayer dans le même temps de le changer, au lieu de se faire un levier de toutes leurs forces organisées, pour l'émancipation finale de la classe ouvrière, c'est-à-dire pour abolir enfin le salariat. »


Le droit de grève doit être garanti dans tous les cas et à tous les travailleurs. Quelque restriction que ce soit, qui sert la bourgeoisie mais est absolument incompatible avec les intérêts des travailleurs, ne saurait être tolérée. La grève ne saurait être réservée aux relations de travail. La grève revendicative, la grève politique, la grève générale, comme celles que mènent les peuples de Grèce, d’Espagne, du Portugal, de France…face au démantèlement social imposé par l’Etat bourgeois, l’Union européenne et le FMI, sont des instruments de lutte indispensables pour les peuples et tous les sophismes et les arguties juridiques de la bourgeoisie ne pourront jamais l’empêcher. Il est hors de question également de laisser la possibilité la possibilité à la loi d’interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes, puisqu’une telle disposition ouvre la porte à des restrictions sans fins qui permettraient à la droite de vider le droit de grève de sa substance en l’interdisant à tous les travailleurs ou presque. Nous entendons déjà l’objection de la compatibilité avec le droit fédéral, que puisque la Constitution fédérale limite déjà le droit de grève, on ne peut pas aller plus loin, etc., etc. ... mais ce n’est là que sophisme et arguties juridiques sans intérêt. De fait, les cantons peuvent et doivent aller plus loin que la Constitution fédérale. Après tout ce qui prime est l’intérêt du peuple et non le formalisme juridique, et il faut rappeler que la plupart des quelques dispositions progressistes de la Constitution fédérale viennent de la Constitution genevoise. C’est donc pour une fois, et pour des raisons politiques et non juridico-formalistes, le droit fédéral qui a été adapté dans le sens du progrès social. Ces dispositions progressistes n’existeraient aujourd’hui ni dans la Constitution genevoise, ni dans la Constitution fédérale, si à l’époque l’argument de la primauté au droit fédéral avait primé. Il ne faut pas non plus oublier que la Suisse a été régulièrement épinglée pour non-respect des conventions de l’OIT, qui n’est pourtant pas une organisation franchement révolutionnaire, qu’elle a signée ; et que, puisque le droit suisse ne protège pas suffisamment les libertés syndicales, c’est le droit international que sont les conventions de l’OIT qui doit primer, et non la très patronale Constitution fédérale.
3 Politique du logement et droits des locataires
La Constitution actuelle inclut l’indispensable Article 108, intitulé Droit au logement, qui provient d’une initiative populaire de l’ASLOCA pour laquelle nous avions lutté contre la droite et les milieux immobiliers. Cet article déclare que le droit au logement est garanti et oblige l’Etat et les communes à mener une politique à même d’assurer l’accès de l’ensemble de la population à des logements répondant à ses besoins, cela par la lutte contre la spéculation foncière, la construction et le subventionnement de logements avec priorité aux habitations à bas loyer, une politique active d’acquisition de terrains, l’octroi de droit de superficie aux organes sans but lucratif désireux de construire des logements sociaux, l’encouragement à la recherche de solutions économiques de construction, des mesures propres à la remise sur le marché des logements laissés vides dans un but spéculatif, des mesures propres à éviter que des personnes soient sans logement notamment en cas d’évacuation forcée et une politique active de concertation en cas de conflit en matière de logement. Quelle est la portée et l’efficacité réelle de cet article, nous ne le savons malheureusement que trop bien. Ce hiatus abyssal en la loi et la réalité est d’ailleurs un trait général de tout régime bourgeois, qui n’hésite pas à faire fi de droits qu’il inscrit par ailleurs dans sa propre législation. Il n’en demeure pas moins que l’Article 108 est absolument indispensable. C’est une arme inestimable aux mains des forces progressistes pour lutter en faveur d’une politique du logement conforme aux intérêts des classes populaires. Qu’une telle norme constitutionnelle existe permet de freiner les velléités des milieux immobiliers et de la droite de démanteler totalement les lois qui protègent un tant soit peu les locataires (des lois qui contreviendraient trop franchement à l’Article 108 seraient inconstitutionnelles, ce qui laisse la possibilité de saisir la justice pour les faire invalider), et de freiner un minimum la spéculation immobilière.



L’Avant-projet, en revanche, supprime totalement cet article – de la part de la droite pro-immobilière il fallait s’y attendre – au profit de plusieurs articles nettement moins restrictifs : le devoir de lutte contre la spéculation, les mesures propres à remettre sur le marché les logements laissés vides dans un but spéculatif et le devoir de prendre des mesures pour que les personnes victimes d’expulsion soient relogées sont abolis, ce alors même que la pratique scandaleuse et inhumaine d’expulsions sans relogement est devenue une triste routine depuis que Daniel Zapelli est procureur général. L’Avant-projet prévoit en outre l’encouragement à l’accès à la propriété, absurde dans un canton où 80% de la population est composée de locataires, qui n’ont pas les moyens de devenir propriétaires. Cette aberration idéologique de droite est en plus à même d’encourager le retour de la pratique des congés-ventes (choix donné au locataire d’acheter son logement ou de partir). De plus, l’Avant-projet prévoit des mesures en cas de pénuries, c’est-à-dire lorsque le taux de vacance des logements et de moins de 1% comme c’est actuellement le cas, qui sont à même de renforcer la spéculation immobilière plutôt que la construction de logements accessibles à la population : le déclassement serait ainsi facilité, pour des projets spéculatifs évidemment, et les zones de développement seraient traitées comme zones ordinaires…

Nous devons l’affirmer avec force, l’Article 108 de la Constitution actuelle, introduit par la volonté du peuple souverain, n’est pas négociable ! Une nouvelle constitution qui ne le contiendrait pas in extenso devrait être refusée, ne serait-ce que pour cette seule et unique raison ! L’intérêt des classes populaires exige au contraire que l’Article 108 soit effectivement appliqué. La pratique ne l’a que trop démontré, ce n’est pas en ouvrant grandes les portes aux promoteurs immobiliers que l’on va construire du logement, et toute la propagande tapageuse de la droite n’y changera rien. Le fait est que les promoteurs ont intérêt à maintenir la crise du logement, qui leur assure des profits élevés par une hausse constante des loyers. De plus, les promoteurs ne construisent pas grand-chose à part du logement de luxe, dont il y a déjà bien assez, ou des zones villa, et lorsqu’ils doivent construire un minimum de logement d’utilité publique ou de logements sociaux, que même Mark Muller n’a pu supprimer, c’est toujours des logements de la qualité la plus basse et avec un urbanisme déplorable. Il est nécessaire au contraire de sortir le logement du marché, par la socialisation du sol et l’acquisition d’immeubles par les communes et par l’Etat, par la construction de logements sociaux et de logements bon marché publics, par l’octroi de droits de superficie aux coopératives, par un urbanisme cohérent et de qualité, par la construction en priorité sur les zones constructibles existantes et en déclassant la zone villa surdimensionnée plutôt que les terres agricoles. Il faut aussi mettre un frein à l’implantation de multinationales étrangères, qui amènent leur propre personnel, aucun chômeur genevois n’ayant la qualification requise, qui font monter les loyers en en payant une partie pour leurs employés, et qui saturent les infrastructures en ne produisant guère plus que de l’inflation. Seule une telle politique serait à même de résorber la crise du logement.


Enfin, la Constitution actuelle prévoit suite à une initiative populaire de l’ASLOCA le référendum obligatoire pour toute modification d’une loi touchant aux droits des locataires. L’Avant-projet prévoit d’instaurer à la place un référendum facultatif demandant mille signatures. Ce retour sur un droit acquis est totalement inacceptable. Il permettrait en effet à la droite de pratiquer sa stratégie favorite, la stratégie du saucissonnage, soit la modification par petites parties, pour démanteler la protection des locataires.

4 Interdiction du nucléaire et protection de l’environnement
La Constitution actuelle contient le très long Article 106 (trop long pour qu’on le cite in extenso ou qu’on le paraphrase), détaillant toute une série de mesures constitutives d’une politique énergétique et environnementale cohérente ayant pour visée le développement des énergies renouvelables et la diminution de la consommation d’énergie par l’isolation et la mise aux normes des bâtiments (le chauffage purement électrique est par exemple interdit ou soumis à autorisation exceptionnelle). L’énergie nucléaire, l’installation de centrale nucléaires et de dépôts de déchets radioactifs sont interdits sur le territoire cantonal. Et de fait, le canton de Genève se passe totalement du nucléaire. La distribution d’eau et d’électricité est un monopole public, dévolu aux SIG.


L’Avant-projet conserve le monopole public pour l’eau et l’électricité (initiative populaire trop récente et au succès trop flagrant pour que la droite, qui voudrait privatiser quant au fond, ose y toucher). Mais l’Article 106 y est remplacé par le simple principe de développement et de priorité aux énergies renouvelables. Le nucléaire ne serait plus interdit (l’Etat ne serait plus soumis qu’à l’exigence floue au possible de «collabore[r] aux efforts tendant à se passer de l’énergie nucléaire»). L’installation de centrales nucléaires et de dépôts de déchets radioactifs ne seraient plus interdits mais soumis au référendum obligatoire. La porte du retour du nucléaire est grande ouverte.


La suppression de l’Article 106, qui détaille une politique énergétique environnementale qui est aujourd’hui la seule à être pertinente, est inacceptable. En particulier il importe de lutter contre la volonté du retour du nucléaire de la droite, qui est un combat d’arrière-garde, aujourd’hui que la récente catastrophe de Fukushima vient rappeler une nouvelle fois que le nucléaire est une énergie en dernier recours incontrôlable et fondamentalement dangereuse, menaçant la survie même de l’espèce humaine. Les déchets nucléaires restent à ce jour un problème insoluble, et il est probable qu’il en restera ainsi ; ils restent radioactifs et dangereux pendant des millénaires et on ne sait trop qu’en faire. Et une centrale nucléaire, le jour où on l’arrête, est extrêmement compliquée à démanteler du fait de la radioactivité ; de fait on ne le peut pas vraiment et le terrain, seulement confiné, reste radioactif et dangereux pendant des années et des années. Il faut rappeler aussi que l’énergie nucléaire ne couvre de fait qu’une partie infime de la consommation énergétique mondiale. Cette filière n’est nullement indispensable ; elle a été développée quasi uniquement à des fins militaires et on pourrait fort bien s’en passer, ce d’autant qu’on le devra de toute façon vu que les réserves mondiales d’uranium seront épuisées avant la fin du siècle. Toutes ces raisons concourent à faire de la sortie du nucléaire un objectif politiquement indispensable.


Aujourd’hui, notre civilisation est à la croisée des chemins. La frénésie productiviste et gaspilleuse du capital, qui sert principalement la consommation ostentatoire et les désirs fantasques des riches ainsi que les guerres impérialistes, son obsession du profit à court terme, quelques doivent en être les conséquences, sa focalisation sur les énergies fossiles, pourtant inévitablement épuisées à ce rythme là vers la moitié du siècle, détruisent la planète et menacent à terme la survie même de l’humanité. La myopie de la droite à cet égard est particulièrement frappante. Si l’on veut simplement que notre espèce survive, si l’on veut assurer le développement à long terme de la civilisation humaine et le progrès social, il n’est plus possible de laisser notre destin aux mains des prédateurs du capitalisme et de leurs laquais politiques de droite. L’usage rationnel des ressources naturelles fines, un mode de vie compatible avec le progrès social et le respect de l’environnement exige la rupture avec le mode de production capitaliste, la planification de la production qui est seule à même de faire servir l’économie à l’intérêt commun, le socialisme.

5 Egalité homme-femme
De même que la Constitution actuelle, l’Avant-projet reconnaît l’égalité homme-femme, et en fait plus en reconnaissant explicitement aussi le principe du salaire égal à travail égal, et en donnant à l’Etat l’obligation de veiller à l’application de ce principe, ce qui est un progrès indispensable, et à vrai dire la moindre des choses. On peut remarquer en revanche, et on ne manquera pas de s’en amuser, l’absurde Article 50, né sous la plume, prétendue pourtant infaillible, des super-juristes de la droite. Cet article, intitulé Représentation équilibrée des femmes et des hommes dit simplement : «L’Etat promeut une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des autorités». La question se pose immédiatement : que signifie représentation équilibrée ? 50-50 ? 1/3 – 2/3 ? Et de quelles autorités il s’agit : postes dirigeants de la fonction publique ? Directions des entreprises ? Exécutifs ? Comités des partis ? En l’état, cet article est comique plus qu’autre chose. Il aurait pourtant été possible, c’est d’ailleurs ce qu’il aurait fallu faire de rédiger simplement :
«l’Etat garantit, dans la mesure du possible, une représentation égale des hommes et des femmes dans la fonction publique».
6 Institutions et droits populaires
Puisque la raison officielle invoquée pour la modification de la Constitution était de la mettre à jour sur les questions institutionnelles principalement, nous allons aborder ce point pour voir quel est finalement le résultat. Nous ne pouvons pas ne pas commencer par relativiser l’importance de la question. Les détails de l’organisation institutionnelle ne sont ni la panacée comme le croient certains, ni même un facteur fondamental. Le facteur déterminant qui fait d’une société ce qu’elle est est son mode de production. Le fait que les membres de l’exécutif cantonal s’appellent «conseillers d’Etat» ou «ministres» ou que la durée de la législature soit de 4 ans ou de cinq ans n’a qu’une importance des plus secondaires. Rappelons l’enseignement de Lénine sur la question : «Les formes d'Etats bourgeois sont extrêmement variées, mais leur essence est une : en dernière analyse, tous ces Etats sont, d'une manière ou d'une autre, mais nécessairement, une dictature de la bourgeoisie. Le passage du capitalisme au communisme ne peut évidemment manquer de fournir une grande abondance et une large diversité de formes politiques, mais leur essence sera nécessairement une : la dictature du prolétariat.» Il n’en reste toutefois pas moins que la forme que prend l’Etat n’en reste pas moins une question extrêmement importante, que ce soit pour l’Etat bourgeois ou pour l’Etat socialiste d’ailleurs. La démocratie parlementaire avec suffrage universel, la démocratie parlementaire avec suffrage censitaire, la dictature fasciste, la dictature militaire…tous types d’Etats bourgeois n’en sont pas moins fondamentalement différents.



Mais l’Avant-projet ne change pas la forme de l’Etat, qui reste évidemment une démocratie bourgeoise parlementaire semi-directe, ni les institutions qui resteraient pour l’essentiel exactement ce qu’elles sont aujourd’hui. Donc, à part quelques modifications de détail, rien de nouveau sous le soleil, ou presque…Arrêtons nous tout de même sur quelques points. Commençons pour le point le plus important pour nous : l’initiative et le référendum populaire. L’Avant-projet abaisse le nombre de signatures nécessaires pour l’initiative et pour le référendum tant au niveau cantonal qu’au niveau municipal : le nombre de signatures nécessaires pour un référendum cantonal est abaissée de 7'000 à 5'000, et pour une initiative législative de 10'000 à 7'000 (l’initiative constitutionnelle resterait à 10'000). C’est indéniablement un progrès démocratiques. N’en déplaise aux détracteurs des référendums et initiatives «trop faciles» et pour des motifs soi-disant «futiles», démocratie signifie étymologiquement «pouvoir du peuple». Un Etat n’est réellement démocratique que si c’est le peuple qui a le pouvoir, TOUT le pouvoir, et non pas uniquement celui de le déléguer pour la durée d’une législature à des élus qui feront ce qu’ils voudront. En ce sens, le canton de Genève n’est que partiellement démocratie. De fait aujourd’hui le nombre de signatures requises est extrêmement élevé ce qui rend l’application des droits populaires, indispensables pour faire triompher la volonté du peuple, extrêmement difficiles à pratiquer. Si le parlement aligne des lois antipopulaires, le peuple doit avoir la possibilité de toutes les contester, et non seulement quelques unes.



Pour en venir à des enjeux plus institutionnels à proprement parler, parlons des communes. L’Avant-projet voudrait donner mandat à l’Etat de les encourager à fusionner ou à réorganiser le découpage territorial, toutes modifications qui seraient tout de même soumises à l’approbation des corps électorales des communes concernées. La Constituante voudrait en plus chapeauter ces communes déjà fusionnées par 4 à 8 districts, auxquels elle accorde une «liberté d’action maximale», sans toutefois préciser ni leurs compétences, ni leurs organes représentatifs, ni leur raison d’être. Les districts seraient crées sur une base volontaire, mais au bout de cinq ans le Grand conseil pourrait les imposer et ils assumeraient alors toutes les compétences des communes actuelles, ce qui signifie la suppression de facto des communes, même si la droite n’ose pas le dire. Le Parti du Travail ne voit pas l’utilité de la mode de fusionner les communes et s’y oppose. Les communes, de même que les nations, sont des entités historiquement constituées, formant des communautés sans lesquelles une authentique démocratie est inconcevable. Vouloir dépecer et réorganiser les découpages territoriaux en remplaçant les frontières historiques par des frontières arbitraires et créant des collectivités artificielles qui ne forment pas des communautés est une logique néolibérale détestable qui part de la chasse aigue à la suppression des doublons et aux économies, ce qui la plupart du temps signifie simplement le démantèlement du service public et la contrainte imposée aux citoyens de faire des déplacement de plus en plus longs, et d’une approche de «gouvernance» centralisatrice, technocratique et autoritaire, absolument incompatible avec la démocratie. La création de districts, échelon intermédiaire entre les communes et le canton par exemple à Fribourg, est une absurdité dans un petit canton comme Genève, et ce d’autant plus si elle vise à remplacer les communes. Le Parti du Travail met en particulier en garde contre le projet réel que vise la droite depuis des années, la suppression de la Ville de Genève, bastion de gauche et rempart indispensable à la politique antipopulaire du canton.



Enfin un enjeu strictement institutionnel : le Conseil d’Etat. La Constituante voudrait instituer un président du Conseil d’Etat pour toute la durée de la législature et lui tailler sur mesure un département présidentiel. Ce pourrait être le premier pas vers la présidentialisation de l’Etat, le pas suivant étant l’élection d’un président au suffrage universel. Le Parti du Travail s’oppose absolument à cette personnalisation accrue de la politique qui stérilise le débat démocratique en le faisant porter sur les personnes plutôt que sur les contenus et les programmes politiques. Partout où le régime présidentiel a été établi il a conduit in fine au bipartisme, à la fausse alternance qui n’est qu’un monopartisme de fait déguisé et un pourrissement de la démocratie.



Le Conseil d’Etat a critiqué l’Avant projet parce que celui-ci diminue ses pouvoirs. A vrai dire, ce n’est pas un mal. La subordination de l’exécutif au législatif ne saurait être qu’un progrès démocratique. On invoquera sans doute la séparation des pouvoirs pour s’opposer à une telle subordination, mais le Parti du Travail n’est pas particulièrement attaché au principe de séparation des pouvoirs, sacralisé par les idéologues libéraux. Rappelons que ce principe forgé par Montesquieu est quant au fond un principe conservateur qui vise à affaiblir chacun des pouvoirs par l’action des autres, y compris à affaiblir le pouvoir du peuple, pour limiter au maximum les possibilités de changement et assurer la stabilité, et donc le conservatisme. Ce n’est pas pour rien que le comte de Mirabeau a utilisé le principe de la séparation des pouvoirs pour défendre le véto du roi, qui était une position contre-révolutionnaire flagrante. De plus, de principe théorique, la séparation des pouvoirs est devenue un sophisme bourgeois. Car au-delà de toutes les séparations de façade, le pouvoir réel demeure indivisible aux mains de la classe bourgeoise. Notre but n’est pas de séparer cette indivisibilité mais de créer un autre pouvoir indivisible qui prenne sa place, le pouvoir du peuple, qui doit être absolu et indivisible.



Le but du Parti du Travail est de remplacer la démocratie bourgeoise, formelle, limitée et qui demeure de fait la dictature de la minorité possédante en dernière instance, par une démocratie populaire réelle, qui donne tout le pouvoir aux classes populaires ; de remplacer l’Etat bourgeois qui est essentiellement une machine aux mains des maîtres du capital pour défendre leurs privilèges et forcer les classes opprimées à la soumission par la force, par un Etat socialiste, qui serve d’instrument aux classes populaires pour imposer leurs intérêts légitimes aux anciens exploiteurs qui devront être expropriés de leurs privilèges indus, et pour construire une société orientée vers l’intérêt commun de tous ses membres. Un Etat socialiste reposant sur un pouvoir populaire réel se doit d’être réellement, et non pas seulement formellement, démocratique. Ce qui implique une architecture institutionnelle très différente de celle de l’Etat de Genève d’aujourd’hui. Une démocratie populaire rejette la fausse séparation des pouvoirs et proclame ouvertement l’indivisibilité réelle des pouvoirs aux mains des classes populaires. Elle se fonde sur une participation directe du peuple à l’exercice du pouvoir dans les institutions politiques, mais aussi sur le lieu de vie et dans les entreprises ; ce qui suppose des conseils populaires qui exercent effectivement le pouvoir, et une assemblée populaires suprême qui détient la totalité du pouvoir, législatif comme exécutif.

7 La raison d’être du Parti du Travail : le socialisme
Nous venons de soulever les enjeux principaux de l’Avant-projet élaboré par l’Assemblée constituante. Ce ne sont là rien de plus que quelques pistes et notre travail ne prétend pas à l’exhaustivité, loin de là. Une analyse complète d’un texte constitutionnel de 40 pages, comparé à un texte d’une longueur comparable et à la vision propre du Parti du Travail aurait été un travail d’une toute autre ampleur. Nous ne nions pas que l’Avant-projet contienne nombre de dispositions intéressantes. Mais si elles sont progressistes par rapport à la Constitution actuelle, la plupart du temps elles n’apportent rien de plus par rapport à la loi. Nous avons estimé, pour de bonnes raisons, que les véritables enjeux politiques, ceux qui feraient vraiment une différence si la nouvelle Constitution était acceptée, sont ceux que nous avons soulevés. Nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait que la droite n’acceptera pas de renoncer aux mesures réactionnaires dont nous avons parlé, car c’est pour elles et elles seules qu’elle à voulu la Constituante. Notre but est donc de faire refuser par le peuple la future nouvelle Constitution, et non d’analyser le détail de toutes ses implications, ce qui justifie que nous donnions les raisons de la refuser et non son analyse complète.



Toutefois, une chose demeure. Même si la Constituante genevoise était composée d’une majorité absolue d’élus du Parti du Travail, elle resterait soumise à l’exigence de compatibilité avec le droit fédéral, et resterait donc une Constitution bourgeoise qui ne refléterait pas nos orientations profondes. La compatibilité avec le droit fédéral est un sophisme, les cantons peuvent aller plus loin nous avons dit…c’est vrai…jusqu’à un certain point. Genève ne saurait posséder une autonomie de fait quelconque du reste de la Suisse, et ne peut donc posséder un régime social différent. C’est pourquoi, nous souhaitons, au-delà de l’analyse constitutionnelle, esquisser brièvement nos objectifs fondamentaux.



Le monde d’aujourd’hui correspond exactement à la description qu’en fit Lénine il y a un siècle de cela déjà :
«Partout, а chaque pas, on se heurte aux problèmes que l'humanité serait а même de résoudre immédiatement. Le capitalisme l'en empêche. Il a accumulé des masses de richesses, et il a fait des hommes les esclaves de cette richesse. Il a résolu les problèmes les plus difficiles en matière de technique, et il a stoppé la réalisation de perfectionnements techniques en raison de la misère et de l'ignorance de millions d'habitants, en raison de l'avarice stupide d'une poignée de millionnaires.» Le Parti du Travail voit sa raison d’être dans la lutte pour changer radicalement cette situation.


En tant que parti des classes que le capitalisme opprime, le Parti du Travail lutte pour la défense des intérêts des exploités et pour leurs revendications immédiates qui dans le rapport de force actuel sont bien trop souvent des revendications défensives ou réformistes. Mais notre but ne saurait évidemment se limiter à préserver les très maigres conquêtes sociales des travailleurs suisses ni à participer aux institutions bourgeoises afin de «gérer autrement» ou de «réformer» la société capitaliste. Car essayer de résoudre les contradictions sociales et économiques dans le cadre du capitalisme relève de la cadrature du cercle. Le problème principal de la société actuelle, dont découlent toutes les autres, est la propriété privée sur les moyens sociaux de production, de crédit et d’échange. La loi fondamentale du capitalisme est la maximisation des profits par tous les moyens, même les plus criminels ; en dehors de cette loi il ne saurait fonctionner, il n’est pas réformable. C’est pourquoi, le but fondamental du Parti du Travail est le renversement politique de la bourgeoisie, la prise du pouvoir par les travailleurs, l’abolition du capitalisme et la socialisation des moyens de production pour l’édification d’une société socialiste, puis d’une société communiste.



Le Parti du Travail tient à participer aux parlements car toutes les formes de lutte sont nécessaires, y compris la lutte institutionnelle, qui permet d’obtenir certaines victoires, même partielles, et de renforcer le Parti et le mouvement populaire de résistance. Toutefois, le parlementarisme ne saurait être pour nous un but en soi, ni même le moyen principal pour construire le socialisme. Pour réaliser concrètement l’émancipation des classes populaires et une société socialiste, il faut rompre avec le modèle autoritaire et oppressif de l’Etat bourgeois et construire à la place une démocratie populaire, fondée sur les conseils populaires et une démocratie réelle à tous les niveaux qui donne TOUT le pouvoir au peuple, et pas seulement celui de choisir ceux qui décideront en son nom et à sa place. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire suisse, l’Etat ne serait plus une machine oppressive séparée de la société et aux mains de représentant de la classe dirigeante, mais l’organisation réellement démocratique de la majorité de la population.



L’instauration de la démocratie populaire réalisera le socialisme, fondé sur le pouvoir populaire, la propriété sociale des moyens de production, de crédit et d’échange et leur planification au service de l’intérêt commun. La société pourra enfin supprimer l’exploitation de l’homme par l’homme et réaliser l’idéal communiste décrit dans le texte célèbre d’Engels Socialisme utopique et socialisme scientifique : «L’ensemble des conditions d’existence qui jusque là ont dominé les hommes seront alors soumises à leur contrôle. En devenant maîtres de leur propre organisation sociale, ils deviendront par cela même pour la première fois, maîtres réels et conscients de la nature. Les lois qui régissent la propre action sociale se sont jusqu’ici imposées aux hommes comme des lois impitoyables de la nature, exerçant sur eux une domination étrangère : désormais, les hommes appliqueront ces lois en pleine connaissance de cause et, par ce fait, ils les maîtriseront. La forme dans laquelle les hommes s’organisent en société – forme jusqu’ici pour ainsi dire octroyée par la nature et l’histoire – sera alors l’œuvre de leur libre initiative. Les forces objectives qui, jusqu’ici, ont dirigé l’histoire, dès ce moment passeront sous le contrôle des hommes. Ce n’est qu’à partir de ce moment que les hommes feront eux-mêmes leur histoire, en êtres pleinement conscients de ce qu’ils vont faire, sachant que les causes sociales qu’ils mettront en mouvement produiront, dans une mesure toujours croissante, les effets voulus. L’humanité sortira enfin du règne de la fatalité pour entrer dans celui de la liberté.»

Discours du 1er mai 2011, aux Brigadistes



Chères et chers camarades,

Puisque j’ai l’honneur de parler aujourd’hui ici, je souhaiterais commencer mon discours en insistant sur la cohérence symbolique de ce lieu et l’importance de notre pratique d’y débuter chaque premier mai. Ici le monument aux Brigadistes, héros de la guerre d’Espagne, persécutés à leur retour par l’Etat bourgeois suisse ; quelques mètres plus loin, la Pierre commémorative aux victimes de la tuerie de 1932 ; deux symboles forts de la lutte antifasciste, de la lutte populaire contre la tyrannie fasciste, et du sang des travailleurs versé par les hordes de Franco et par la droite genevoise qui n’a pas hésité à faire tirer sur la foule pour défendre un meeting fasciste ! Je souhaiterais évoquer aussi l’exposition temporaire sur la promenade Saint-Antoine qui rappelle tous les risques et les sacrifices qu’a encouru la République espagnole pour sauver l’héritage artistique de l’Espagne des bombardements franquistes.

Ces symboles, la mémoire qu’ils incarnent, sont aujourd’hui plus nécessaire que jamais, aujourd’hui que l’ombre sinistre du fascisme plane de nouveau sur l’Europe. Aujourd’hui, des partis fascisant, si ce n’est ouvertement fascistes, atteignent des sommets dans les votes : l’UDC, le MCG, La Lega dei Ticinesi, désormais deuxième parti du Tessin, le FN, la Ligue du Nord,…Dans les pays baltes, les anciens SS défilent ouvertement dans les rues, avec le soutien ouvert des liquidateurs du socialisme et le silence complice de l’Union européenne. Pendant ce temps, les partis bourgeois classiques, le PLR, le PDC, l’UMP, reprennent sans scrupules les idées de l’extrême-droite et passent parfois des accords électoraux avec elle, de la même façon qu’ils l’ont déjà fait dans les années trente.

Par delà toutes les différences de forme, l’idéologie de l’extrême-droite reste la même que celle qu’elle a toujours été, et la menace reste la même : xénophobie exacerbée, racisme, démagogie sans borne et stratégie du bouc-émissaire, stigmatisation de l’étranger comme source de tous nos problèmes, même le nucléaire si l’on en croit l’UDC, prétention au droit exclusif de parler au nom du peuple, refus du débat rationnel et intolérance pour toute opinion contradictoire, démagogie pseudo-populaire qui masque mal une politique pro-patronale, racisme ouvert antimusulman et anti-rom qui est pour l’essentiel entré dans l’idéologie bourgeoise officielle, culte du chef, qu’il s’appelle Blocher, Stauffer ou Le Pen, projet de «milices citoyennes» du MCG qui ranime le spectre des SA. Aujourd’hui Carlos Medeiros déclare «nous sommes le peuple, nous voulons chasser les Roms», Pierre Maudet parade devant un campement rom démoli, Claude Guéant multiplie les provocations et l’ombre des heures les plus sombres de l’histoire plane sur l’Europe.

Comme autrefois, la montée de l’extrême-droite est due à des problèmes réels que vit le peuple, naguère la grande crise de 1929, aujourd’hui l’impasse qu’est la mondialisation néolibérale et l’idéologie du libre-marché et de la concurrence libre et non-faussée. Ces problèmes sont réels et il ne faut ni les nier, ni les sous-estimer. Mais l’extrême-droite n’a aucune solution à leur apporter, au lieu de cela elle en fait son fond de commerce pour faire passer son projet de toujours : xénophobie, racisme, obscurantisme, fascisme…et politiques libérales, qu’elle critique en paroles mais soutient dans les faits. Or la lutte réelle contre l’impasse qu’est la mondialisation néolibérale passe par la rupture avec les politiques libérales et le dogme de la concurrence libre et non-faussée. C’est pourquoi le Parti du Travail a toujours rejeté les accords bilatéraux avec l’Union européenne, qui gravent le néolibéralisme et la suppression des droits des travailleurs dans le marbre de la loi.

La lutte contre les forces fascisantes et contre les problèmes réels que ces forces prétendent combattre passe par une lutte de classe sans concessions contre l’extrême-droite et la droite bourgeoise qui dans les faits s’aligne sur elle. Le monde capitaliste est aujourd’hui en crise systémique. La situation est exactement celle que décrivait Lénine il y a de cela un siècle déjà : « Partout, а chaque pas, on se heurte aux problèmes que l'humanité serait а même de résoudre immédiatement. Le capitalisme l'en empêche. Il a accumulé des masses de richesses, et il a fait des hommes les esclaves de cette richesse. Il a résolu les problèmes les plus difficiles en matière de technique, et il a stoppé la réalisation de perfectionnements techniques en raison de la misère et de l'ignorance de millions d'habitants, en raison de l'avarice stupide d'une poignée de millionnaires. » Les états de l’Union européenne sont touchés par des crises budgétaires les uns après les autres. L’oligarchie capitalisme mondiale mène une véritable campagne de guerre contre les peuples pour leur faire payer sa propre crise. Le FMI et l’Union Européenne impose des plans d’austérité insupportables en contrepartie de leur soi-disant aide. Les gouvernements des USA, du Royaume Uni, de Grèce, du Portugal…mènent une campagne d’une ampleur jamais vue de destruction de tous les acquis sociaux du XXème siècle.

Face à l’oppression capitaliste, la résistance et la lutte populaire sont indispensable, et de fait elles s’organisent. En Suisse, je commencerai par citer les thèmes choisis pour le premier mai de cette année. Tout d’abord, l’initiative fédérale sur le salaire minimum à 4'000,- actuellement en cours de signatures et soutenue par nous tous. La lutte pour un salaire minimum est aujourd’hui un combat prioritaire pour garantir aux travailleurs une rémunération digne de leur travail, alors que le patronat cherche à baisser les salaires au-delà de toute mesure et que la réalité de la surexploitation, mal masquée par l’anglicisme working poors, se généralise. Le montant de 4'000,- est plus que modeste en dessous duquel il est inacceptable de descendre, et il importe de l’emporter contre la droite et le patronat qui utiliseront toutes les ressources de l’argent et de la démagogie pour imposer aux travailleurs des conditions proches de l’esclavage.

Un combat cantonal prioritaire est de faire refuser par le peuple le démantèlement du RMCAS voulu par François Longchamp, de faire refuser la liquidation d’une protection sociale indispensable, de faire refuser que les chômeurs en fin de droit soient envoyés à l’aide sociale et condamnée à une précarité durable. Il faut aussi continuer jusqu’à la victoire totale la lutte pour l’égalité salariale homme-femme. L’inégalité qui subsiste dans ce domaine n’a aucune justification et doit être totalement éradiquée. Une autre priorité indispensable est la réduction générale du temps de travail. Pour lutter contre le chômage et pour la qualité de vie, plutôt que d’accroître encore et encore les profits démesurés du capital, il est indispensable aujourd’hui de travailler moins pour travailler tous, et vivre mieux. Je citerai aussi la lutte pour faire revoter la loi sur l’imposition des entreprises, qui n’est passée de justesse que grâce aux mensonges du Conseil fédéral, et la lutte contre une énième baisse d’impôts qui sera à l’ordre du jour des prochaines votations cantonales.

En cette année 2011, après la catastrophe de Fukushima qui frappe le Japon, il est impossible de ne pas parler de la lutte pour la sortie du nucléaire, qui est une forme d’énergie potentiellement incontrôlable, pour laquelle aucune solution n’existe pour ce qui est des déchets, qui représentent un danger pendant plusieurs millénaires, et qui est une menace permanente pour l’existence de l’espèce humaine. Je ne peux pas non plus ne pas citer le combat fondamental qui commence contre les régressions inacceptables et les liquidations de droits gagnés en votations populaires voulues par la Constituante, ce qui est un combat absolument prioritaire étant donné que la Constitution est la loi fondamentale sur laquelle se calquent toutes les autres. Parmi les régressions voulues par la Constituante, je souhaiterais insister tout particulièrement sur une disposition digne du capitalisme sauvage du XIXème siècle et de l’Ancien régime : une limitation inacceptable du droit de grève, qui ne saurait autorisée que pour défendre la «paix du travail»…et pourquoi pas uniquement pour défendre la hausse des profits tant qu’on y est ! Nous devons dire haut et fort à la droite arrogante et au patronat rempli de suffisance qu’en régime capitaliste, fondé sur l’antagonisme entre classes, il ne saurait y avoir une quelconque «paix du travail». Celle-ci n’est qu’un sophisme bourgeois, destiné à désarmer les travailleurs et leur faire accepter sans résistance l’oppression du capital. Aucune restriction du droit de grève n’est tolérable. Le droit de grève doit être garanti, sans restriction aucune.

En Europe, les peuples se soulèvent contre les plans d’austérité imposés par le pouvoir bourgeois, l’Union européenne et le FMI. La Grèce, l’Espagne, le Portugal, la France, le Royaume uni…sont secoués par les grèves. Le peuple islandais a refusé la soi-disant aide du FMI, a refusé de payer la crise du capital, a refusé de payer les dettes de ses banques, par référendum à deux reprises, et sous le silence assourdissant des médias bourgeois. Pour la première fois depuis des années, les Etats-Unis eux-mêmes, le bastion de la réaction mondiale, sont secoués par des grèves parties de l’Etat de Wisconsin et de la lutte des fonctionnaires contre la remise en cause de leurs droits syndicaux par le Parti républicain et le Tea Party. Des décennies de domination réactionnaire et d’anticommunisme le plus hystérique et violent qui soit n’ont pas étouffé la lutte des classe, n’ont pas permis à la bourgeoisie de mener la lutte de classe de façon unilatérale, sans rencontrer de résistance. Dans le monde arabe, des dictatures corrompues au service de la bourgeoisie compradore locale et de l’impérialisme euro-américain ont été renversées par des soulèvements populaires. En Tunisie la détermination du peuple a fait tomber le dictateur Ben Ali et son gouvernement ; et la lutte continue à ce jour entre les forces de la réaction qui ne veulent rien de plus qu’une révolution sans révolution, et les forces populaires démocratiques et progressistes qui se battent pour instaurer une authentique démocratie populaire. Il faut tout de même rester prudent dans l’analyse et ne pas perdre de vue la spécificité de la situation de chaque pays, ni extrapoler abusivement le scénario tunisien. Il faut en particulier condamner sans appel l’intervention impérialiste de l’OTAN en Lybie, l’ingérence dans une guerre civile qui n’a pas d’autre but que de mettre à genou la Lybie pour avoir le contrôle de son pétrole.




En Amérique latine, les régimes progressistes ses consolident malgré toutes les manœuvres et les tentatives de déstabilisation de la part des USA, et la révolution cubaine reste inébranlable malgré le blocus. L’Etat du Kerala, dirigé par les communistes depuis une cinquantaine d’années affiche des chiffres de développement social proches de ceux des pays développés, grâce à des politiques fondées sur le service public et la propriété sociale aussi étendue que possible des principaux moyens de production, et en contraste flagrant avec l’état de sous-développement du reste de l’Inde, gouverné par des partis bourgeois. Les médias bourgeois ne le disent pas, ou à peine, mais la lutte contre l’impérialisme et la tyrannie du capital se mène toujours arme à la main et sous le drapeau rouge. En 2007 le roi du Népal est renversé par une guérilla communiste qui a contrôlé jusqu’à 90% du territoire, une République est proclamée et depuis la lutte se poursuit pour l’établissement d’une République populaire. Une partie importante des régions rurales du Nord-est de l’Inde est contrôlé par une guérilla communiste qui lutte pour l’émancipation des masses populaires et pour le socialisme et qui résiste victorieusement à l’armée indienne.

Dans ce contexte de crise du capitalisme et de lutte des classes exacerbée au niveau mondial, toutes les forces populaires et progressistes doivent lutter pour que les classes populaires l’emportent face à l’oligarchie capitaliste. Pour cela, il importe de partir en toutes choses de la réalité de la lutte des classes. En ces temps de réaction sur toute la ligne et de luttes impitoyables, les peuples ont besoin d’organisations politiques et syndicales de lutte, prêtes à lutter jusqu’au bout, et non d’une gauche et d’un syndicalisme de compromis, qui recherche une paix impossible avec la droite et le patronat. Qu’il soit néolibéral ou régulé, le capitalisme demeure le capitalisme, un système fondé sur la prédation, l’inégalité et l’oppression. Il ne peut être amendé. Les nécessités de lutte exigent de rompre toutes les illusions sur la paix sociale, qui ne peut exister dans un régime fondé sur l’oppression et les antagonismes de classes, de rompre avec la paix du travail et l’idéologie du consensus, pour le renversement du pouvoir bourgeois, le dépassement du capitalisme, et le socialisme.

Je conclurai par une citation de Rosa Luxembourg : "Quiconque souhaite le renforcement de la démocratie devra souhaiter également le renforcement et non pas l'affaiblissement du mouvement socialiste ; renoncer à la lutte pour le socialisme, c'est renoncer en même temps au mouvement ouvrier et à la démocratie elle-même"

30 mars 2011

Communiqué de presse du Parti du Travail quant à la consultation sur le Projet de Constitution de l’Assemblée constituante

Communiqué rédigé par mes soins





Il y a près de trois ans de cela, le Parti du Travail s’était opposé à une révision totale de la Constitution, puisqu’il était absolument évident qu’en cette période de réaction sur toute la ligne un tel exercice signifierait la liquidation de tous les acquis sociaux et démocratiques du XXème siècle. Aujourd’hui, l’avant-projet de Constitution sur lequel nous sommes consultés prouve que nous avions absolument raison. Malgré que le projet de nouvelle Constitution soit plus détaillé, plus précis, parfois mieux et plus élégamment écrit que la Constitution actuelle, et qu’il prévoit même quelques progrès, très minimes, dans le domaine de certains droits sociaux et démocratiques, il contient des régressions importantes qui le rendent globalement inacceptable.





Le Parti du Travail ne peut accepter que des dispositions progressistes acquises de haute lutte et en votations populaires dans le domaine des droits des locataires (nous soutenons pleinement la lutte que l’ASLOCA mène aujourd’hui pour les sauvegarder), les dispositions précises sur l’énergie, garantie d’une réelle politique environnementale, et de l’interdiction du nucléaire, passent à la trappe. La disposition restrictive qui limite le droit à la grève au nom de la paix du travail est totalement inacceptable. Le Parti du Travail rappelle que dans une société objectivement fondée sur l’exploitation et l’opposition antagonique entre classes, il ne peut y avoir de «paix» du travail, celle-ci n’est qu’une escroquerie patronale destinée à désarmer les travailleurs et de resserrer leurs chaînes. Le droit à la grève, ainsi que le droit pour les syndicats à être présents dans l’entreprises, doivent être garantis sans restriction aucune. Il n’est pas plus acceptable de vider de leur substance par l’usage des formulations plus floues ou moins contraignantes. Enfin, le Parti du Travail considère que plutôt que de promouvoir une représentation équilibrée des hommes et des femmes au sein de l’autorité (du reste nous ne voyons pas trop ce que signifie une représentation équilibrée), l’Etat doit garantir, dans la mesure du possible, une représentation égale dans la fonction publique, et non seulement dans les autorités.





Aucun des acquis obtenus en votation populaire n’est négociable, et le Parti du Travail se battra pour qu’une nouvelle Constitution qui n’en liquide ne serait-ce qu’un seul soit refusée par le peuple.





Pour le Parti du Travail








Jean Spielmann


Président





Alexander Eniline


Secrétaire cantonal

14 janvier 2011

Non à l’ingérence impérialiste en Côte d’Ivoire !


Division de la Côte d'Ivoire entre Nord

pro Ouattara et Sud pro Gbagbo


 


Les grandes puissances impérialistes de l’UE et les USA, et leur valet qu’est Ban-ki Moon, joliment autoproclamés «communauté internationale» pour l’occasion, envisagent une opération militaire contre la Côte d’Ivoire dans le but de déloger son président sortant, Laurent Gbagbo, sous prétexte que celui-ci aurait perdu le deuxième tour des élections présidentielles du 28 novembre 2010 face à son rival Alassane Ouattara, tout en refusant de reconnaître sa défaite et de se retirer du pouvoir. L’on sait pourtant que cette soi-disant communauté internationale n’est pas toujours, et de loin, aussi fanatiquement attachée à la démocratie, et n’hésite pas, lorsque cela l’arrange, de renverser des régimes démocratiques qui ont eu l’outrecuidance de lui déplaire, pour mettre des dictatures sanglantes, plus dociles, à la place.


Aussi l’on n’a aucune raison à la sincérité des convictions démocratiques de MM Obama et Sarkozy, et il est évident que leur motif est tout autre que le souci désintéressé à ce que la volonté du peuple ivoirien soit respectée. Ce d’autant que le résultat du scrutin est pour le moins douteux. M. Ouattara est sensé avoir remporté l’élection présidentielle avec près de 54% des voix, mais avec des falsifications évidentes dans le nord du pays contrôlé par une rébellion armée qui lui est favorable et qui a refusé de désarmer malgré les accords conclus sous l’égide de l’ONU (or l’on sait qu’il est utopique d’espérer des élections démocratiques dans une région contrôlée par une rébellion armée). Les procès-verbaux de certains locaux de votes étaient tellement aberrants que Laurent Gbagbo a déposé plusieurs recours auprès du Conseil constitutionnel, qui selon la constitution ivoirienne statue en dernière instance. Le président de la Commission électorale indépendante (CEI), en fait contrôlée par des représentants de l’opposition, s’est empressé d’annoncer les résultats provisoires, sans avoir reçu l’aval de la CEI pour cela…depuis le QG d’Alassane Ouattara, et en présence des ambassadeurs de France et des Etats-Unis.


Les puissances dominantes, la Suisse y compris, se sont empressées de proclamer Ouattara président de Côte d’Ivoire, sur la base des seuls résultats provisoires, et ont déchaîné dans la presse bourgeoise une campagne à grande échelle contre Laurent Gbagbo, sans tenir compte du fait que le Conseil constitutionnel a invalidé les résultats de certains locaux de vote…et a proclamé Gbagbo vainqueur. On est donc dans une situation tout sauf claire et il est pour ainsi dire impossible de se déterminer sur qui a gagné les élections. Dès lors transparaît clairement le but de l’impérialisme : imposer Ouattara, ancien cadre du FMI et sa marionnette, à la place de Gbagbo, qui, même s’il plus rompu en paroles qu’en actes avec le néo-colonialisme, a acquis une certaine indépendance en jouant sur les contradictions inter impérialistes. Actuellement, Gbagbo cherche à négocier et envisage un partage du pouvoir, tandis qu’Ouattara se montre intransigeant et ne voit pas d’objection à arriver à la tête du pays par la force des armes des puissances impérialistes. Cette volonté de l’impérialisme d’imposer sa marionnette par tous les moyens menace de replonger la Côte d’Ivoire dans une nouvelle guerre civile dévastatrice. Alors, sans prendre position pour Laurent Gbagbo, il convient d’affirmer que cette atteinte à la souveraineté nationale de la Côte d’Ivoire par ceux qui n’ont certainement pas à donner de leçons de démocratie à qui que ce soit est absolument intolérable et que la lutte résolue contre le néocolonialisme est une nécessité.