01 avril 2009

Gloses sur le programme de Facebook



Appel du komintern
Vidéo envoyée par trotsky-1917


L’ « Appel pour une vraie force politique alternative de gauche en Suisse », auquel le Gauchebdo de la semaine dernière a consacré la totalité de sa page trois (à juste titre, tant cette question est cruciale pour le PST), exige un débat interne en tant que question d’importance stratégique pour notre Parti. Premièrement que va-t-il en sortir ? La portée de cet appel dépasse de loin celui d’un coup médiatique de Josef Zisyadis et la consultation de la page qui y est consacrée sur Facebook (247 signataires au moment où j’écris ces lignes, plus les quelques dizaines voire centaines qui ont signé le format papier) ne laisse aucun doute quant à l’intention et l’existence d’une base sociale suffisante pour la création d’un nouveau parti, qui sera probablement nommé « La Gauche », en référence explicite à Die Linke et au nouveau Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon.

La question qui se pose actuellement au PST et à ses militants est la suivante : quelle attitude adopter face à cela ? Ou plus clairement : est-il concevable pour nous de participer à ce processus de création d’un nouveau parti dont on ne sait pas trop ce qu’il sera (à part qu’il sera « de gauche alternative », ce qui nous avance beaucoup…), processus explicitement dirigé contre les partis constitués, dont il suppose de faire abstraction des décisions, des statuts et des instances, selon un procédé « pseudo-néo-marcusien » ? Rappelons tout de même que le XIXe congrès national du PST a démocratiquement et à une très large majorité rejeté l’idée de création d’un nouveau parti de la gauche du PS, de même que celle d’une fédération de la gauche combative. Pourtant, certains camarades considèrent comme légitime de tenir pour nulles des décisions démocratiques et largement majoritaire de l’instance suprême du PST, voire même de participer personnellement aux débats en vue de la création du futur nouveau parti sur Facebook, sans même prendre la peine de demander l’aval des instances nationales du Parti, ni même simplement les informer.

En vue de justifier cette démarche anti-parti, le conseiller national Zisyadis avance que la décision du congrès est à priori illégitime car « sectaire » et qu’il est par conséquent tout à fait normal de passer outre au nom de l’ « Unité » (avec une majuscule, car principe soi-disant inconditionnel et indiscutable). Pourtant, ce sacro-saint principe d’ « unité » mérite pour le moins une sérieuse remise en question. Car « unité » avec qui et dans quel but ? Mais voyons, unité avec tout ce qu’il peut y avoir à la gauche du PS pour être plus forts. Oui, mais « à la gauche du PS » ça fait très, très large ; quid de la ligne politique ? Oh, ce n’est pas important, on verra plus tard… Mais qu’est-ce qui est important alors, n’est pas la ligne politique d’un parti qui constitue sa raison d’être même ? Comment osez-vous poser cette question (sous-entendu : stalinien rétrograde), le plus important est évidemment d’être plus forts afin de mener nos luttes immédiates et concrètes. Oui, mais quelles luttes et sur quelle base si la ligne politique n’est pas si importante, de simples et vagues « valeurs » de gauche suffiraient-elles à faire un projet politique cohérant et un rempart contre l’opportunisme droitier ? Voyons, la réponse saute aux yeux, il n’a jamais été question d’objectif final, ni de projet politique cohérant, mais de rassembler le plus de monde possible sur un plus petit dénominateur commun idéologique aussi minimaliste et vague que possible, afin d’avoir la force maximale pour « notre lutte concrète » (avec des trémolos dans la voix), i.e. la lutte électorale.

Il est sans doute pas inutile et même très important d’avoir une participation parlementaire, je n’ai jamais soutenu le contraire. Toutefois, si l’on veut avoir des sièges, encore faut-il savoir quoi en faire. Et pour cela il est primordial d’avoir une ligne politique claire, qui ne peut qu’être fondée sur une idéologie et pas sur de vagues valeurs. Or le futur nouveau parti n’aura pour base idéologique que de vagues valeurs éthiques, ce qui n’est pas un à-priori dogmatique de ma part mais le fruit d’une consultation minutieuse de Facebook. Le nouveau parti se définit d’ores et déjà comme « gauche alternative » (terme vide de sens à souhait et signifiant rien de plus qu’alternative électorale au PS et aux Verts) et « écosocialiste » (tout aussi vague, et signifiant simplement écologiste avec quelques revendications sociales). Ce nouveau parti propose certes de remettre en cause le « capitalisme productiviste » et pourrait peut-être (quoique certains sur le forum aient peur d’aller ainsi déjà trop à gauche) se dire « anticapitaliste » (expression pourtant vide de sens car ne proposant aucun projet positif), mais en l’absence de la moindre vision claire, ni revendication proprement révolutionnaire, l’ « écosocialisme » ne veut pas dire plus que la société capitaliste saupoudrée de quelques acquis sociaux et garde-fous écologiques. D’ailleurs, le forum de discussion sur l’idéologie du futur nouveau parti montre des discussions vagues à souhait sur l’écologie et sur une notion de décroissance purement abstraite car détachée de la question de la propriété, discussions on ne peut plus réformistes et passablement anticommunistes, cela va sans dire. La majorité des membres de ce futur parti auberge-espagnole devraient clairement être, selon les discussions sur Facebook, des sociaux-démocrates actuellement non-organisés car ne se reconnaissant pas dans le PS qui aujourd’hui est beaucoup trop à droite. Le nouveau parti ne pourra donc qu’être celui qui manque dans le paysage politique suisse : un parti social-démocrate un peu plus à gauche que le PSS, mais toutefois à peine moins opportuniste.

Or ce n’est pas de cela que les classes opprimées de notre pays ont besoin. Il est dans le meilleur des cas naïf et insensé de penser qu’un quelconque projet d’émancipation peut sortir de la social-démocratie, même « améliorée » et « plus à gauche ». Le PST doit résolument rejeter toute velléité de fusion dans une vague nébuleuse insipide et réformiste, et les camarades qui participent aux discussions de préparations du nouveau parti doivent être conscients que la participation à une telle manœuvre anti-parti est incompatible avec leur statut de militant du PST et qu’entre les deux ils doivent choisir. Quant au fait que de telles manœuvres soient possibles, il démontre la faiblesse des instances nationales de notre Parti ainsi que la nécessité de rétablir le centralisme démocratique comme un mode de fonctionnement nécessaire pour l’efficacité et l’unité du Parti. Lénine a dit : « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire… Seul un parti guidé par une théorie d’avant-garde peut remplir le rôle de combattant d’avant-garde. ». Le seul projet sensé pour la « gauche de la gauche » suisse, le seul qui puisse être à l’origine d’un véritable projet d’émancipation, et celui de la construction d’un grand Parti révolutionnaire, d’un authentique Parti communiste suisse (sans qu’il soit forcément nécessaire de changer le nom du PST pour cela d’ailleurs), un Parti qui ose s’appuyer sur le marxisme-léninisme afin de renverser la bourgeoisie et construire une société socialiste.