03 juillet 2008

De la nécessité d’un projet communiste pour le XXIe siècle



Ceci est un document que j'ai été chargé de rédiger pour le prochain congrès du PST, laissez svp vos commentaires.

"Quiconque souhaite le renforcement de la démocratie devra souhaiter également le renforcement et non pas l'affaiblissement du mouvement socialiste; renoncer à la lutte pour le socialisme, c'est renoncer en même temps au mouvement ouvrier et à la démocratie elle-même." Rosa Luxemburg (1870-1919) Réforme sociale ou révolution ? - 1899
En cette aube du troisième millénaire, notre parti doit d’urgence abandonner sa posture défensive et défaitiste d’antilibéralisme et de défense des acquis face à la droite et de proposer un contre-projet à celui de la droite (qui est de fait également celui de la pseudo-gauche modérée), sous peine de disparaître définitivement. Car, comme Lénine l’écrivait déjà en 1916 : « Un mot d’ordre « négatif », non rattaché à une solution positive déterminée, n’aiguise pas, mais émousse la conscience, car un tel mot d’ordre est du néant, un cri en l’air, une déclaration sans objet ». Pour pouvoir remonter la pente et incarner une alternative crédible, nous devons dépasser l’attitude défensive et complexée qui est trop souvent la notre, pour oser porter haut et fort un véritable contre-projet au capitalisme. Toutefois, pour proposer une alternative sérieuse, nous devons nous fonder sur une analyse critique du capitalisme d’aujourd’hui, non pas une critique émotionnelle de gauchistes protestataires, mais une critique rationnelle basée sur les outils scientifiques que nous offre le marxisme.

Et une analyse scientifique du capitalisme se fonde nécessairement sur les principes du matérialisme historique et dialectique, sur la lutte des classes et la théorie de la plus-value. Ce qui nous permettra de comprendre la logique réelle de notre monde tel qu’il est, ainsi que de voire les conditions réelles d’une alternative, plutôt que de nous contenter d’une condamnation moralisatrice dans le style des mouvements protestataires sans base idéologique claire. Dès l’abord, nous devons constater que la Révolution Internet des années nonante fut une troisième Révolution industrielle, révolution des processus de production, donc des rapports de production et donc de l’ensemble des rapports sociaux. L’informatisation de l’économie permit une rationalisation sans précédent de la production, et rendit possible la constitution d’entreprises de taille démesurée, qui auraient été ingérables auparavant, les multinationales. La constitution de ces gigantesques empires commerciaux changea radicalement la configuration politique et socio-économique de la planète. Les multinationales sont des conglomérats colossaux qui s’étendent sur toute la planète, elles ne sont donc plus subordonnées à aucun Etat, mais au dessus de tous les Etats. C’est là à proprement parler la mondialisation dans sa phase finale, soit l’effacement des nations (concept inventé au XVIII : chasse gardée de la bourgeoisie nationale) au profit d’un marché mondial.

Mais la mondialisation n’est pas que l’effacement des marchés nationaux, elle est aussi et surtout un durcissement de la dictature bourgeoise sur les peuples. Car désormais les entreprises ne sont plus forcées d’installer leurs centres de production à un endroit fixe, mais peuvent les délocaliser à tout endroit du monde, là où la main d’œuvre est le meilleur marché bien entendu. Ou mieux encore, la plupart ne possèdent même plus de centres de production propres ; elles se concentrent sur la vente et sous-traitent la production à des entreprises du Tiers Monde, auxquelles elles imposent des conditions qui ne peuvent être remplies que par une exploitation inhumaine des travailleurs. La rationalisation de la production est source de richesses pour les bourgeois et de souffrances pour les prolétaires. La simple possibilité de délocaliser permet au patronat de mettre en concurrence les travailleurs du monde entier, d’exercer un chantage inacceptable sur les peuples, de maintenir partout du chômage, et finalement d’accroître l’exploitation de la force de travail partout (baisses de salaires, augmentation de la durée de travail, réduction de la protection au travail, liquidation des acquis sociaux…), ainsi que d’introduire le modèle just in time (satisfaction quasi immédiate des commandes, pas de stocks) et la flexibilité (travailler quand le patron veut, sans savoir à l’avance…la vie privée devient un enfer).
Bien évidemment, le paradis des bourgeois est nécessairement l’enfer des travailleurs. L’exploitation capitaliste devient de plus en plus inhumaine sur toute la surface du globe. Plus de 800 millions d’êtres humains meurent de faim. De plus, la suppression des nations ne signifie pas, et de loin la fin de l’impérialisme et des guerres. Car la concurrence, cette guerre à mort que se livrent les bourgeois et où ne meurent que les travailleurs, est une guerre à part entière, et comme telle exige ses fleuves de sang. Preuve en sont les guerres d’Afghanistan et d’Irak, livrées dans l’intérêt exclusif du capital nord-américain ; ainsi que les multiples autres guerres de par le monde. La bourgeoisie transnationale est parfaitement consciente des conséquences nécessaires de son règne. Etant le cynisme incarné, la bourgeoisie ne cherche aucunement à tenter d’en corriger les dégâts. Bien au contraire, elle les aggrave en liquidant l’Etat social. Mais pas question de liquider l’Etat, dont le rôle premier est de protéger les oppresseurs contre le peuple. Sachant que l’oppression capitaliste deviendra de plus en plus invivable pour tous les peuples du monde, la bourgeoisie a décidé de tirer un trait sur la démocratie, quelle avait jadis mis en place contre l’Ancien Régime.

Pour maintenir son pouvoir, la bourgeoisie est décidée à installer une dictature de droite sur l’ensemble de la planète. Pour cela, le grand capital se montre de plus en plus généreux avec des partis d’extrême-droite, comme les républicains de George Bush et l’UDC. La paranoïa sécuritaire que propagent ces partis est une propagande mensongère destinée à persuader le peuple que pour sa sécurité, il doit renoncer à sa liberté. Or « celui qui renonce à la liberté pour la sécurité, ne mérité ni la sécurité ni la liberté » (Winston Churchill). La droite dure parvient ainsi à faire passer des mesures de plus en plus liberticides : détentions sans avis de juge pendant plus de 48 heures, caméras de sécurité omniprésentes, écoutes téléphoniques, passeports biométriques, fichage de tous…bref, l’Etat Big Brother. L’Amérique de Bush est aujourd’hui une quasi-dictature. L’analogie avec les années trente n’est pas totalement abusive. Toutefois, il ne s’agit nullement pour les partis de la droite dure de construire un fascisme intégral. Non pas que l’extrême-droite d’aujourd’hui soit meilleure ou plus démocratique, mais c’est qu’elle est au service d’un capital transnational et non plus national. Aussi il n’est plus question de délire nationaliste véritable, mais seulement de mettre en place un régime carcéral pour l’ensemble des citoyens, un fascisme réduit à la GESTAPO si l’on veut.

Par contre, l’analogie avec les années trente est parfaitement pertinente sur un point auquel habituellement on ne pense pas. La bourgeoisie est libérale quand elle se sent forte, elle ne donne le pouvoir à l’extrême-droite que quand elle se sent menacée. Une dérive totalitaire est nécessairement un aveu de faiblesse du capitalisme. Dans les années trente, la menace pour les possédants étaient les communistes (qui furent proches de la victoire en Allemagne, en Italie et en Espagne), aujourd’hui c’est d’une crise interne au capitalisme qu’il s’agit. Le capitalisme moderne est gouverné sans partage par des financiers obnubilés par le profit à très court terme (du reste ils ne pourraient faire autrement). Le quasi-achèvement de la globalisation confronte le système capitaliste à une saturation, la Terre entière étant conquise les possibilités de croissance s’amenuisent. Confronté à des difficultés de placement, les banques encouragent la prise de risques de plus en plus inconsidérés. Cela rend le système extrêmement instable. Des crises de plus en plus graves éclatent ; comme l’affaire Kerviel, la crise des subprimes ou la crise alimentaire actuelle. Tout l’édifice capitaliste menace de s’écrouler sous son propre poids. D’autant que cet affaiblissement des exploiteurs ne se fait pas sans la renaissance d’une résistance populaire : les victoires de Chavez et de Morales, la victoire des maoïstes au Népal, la guérilla naxalite en Inde, les émeutes de la faim, la renaissance des grèves en Occident…et aussi le début d’une renaissance de rejet du capitalisme et de l’idée du socialisme.

Aussi, ce projet totalitaire de droite est à la fois la plus grande menace d’aujourd’hui et une chance pour nous de remonter la pente en reconstruisant un mouvement de résistance. La seule façon de construire un mouvement est de le rassembler autour d’un projet porteur d’avenir. Il ne peut s’agir d’un projet réformiste. Il n’est ni possible, ni souhaitable de conserver le capitalisme. Le capitalisme ne peut par essence être ni social ni écologique. Le capitalisme ne peut fonctionner que sur la base de la plus-value, de la misère et des guerres ; il ne peut avoir d’autre but que le profit de quelques uns, ce qui est incompatible avec l’intérêt commun. Pour construire un monde plus juste, surmonter l’épuisement prochain du pétrole, adopter un modèle économique qui soit véritablement écologique et qui permette la survie de notre espèce sur le long terme, il est nécessaire de prendre de mettre en place une gestion de la production volontariste, fondée sur l’intérêt général et une décroissance intelligente écologiquement nécessaire, ce qui est incompatible avec la main invisible du marché et sa logique de croissance, et plus généralement avec la propriété bourgeoise.

Malgré cette évidence, le réformisme existe dans nos rangs. Cela à cause de la crise que nous avons traversé dans les années quatre-vingt et nonante, suite à la chute du bloc de l’Est. Les médias bourgeois ont mis en place un véritable bourrage de crânes qui assimile tout projet socialiste aux pires déviations du stalinisme. Certains de nos camarades ont cédé à cette offensive idéologique et ont fini par croire que le capitalisme est la fin de l’histoire. Or la propagande bourgeoise est typiquement un discours affirmatif simpliste qui ne tient pas la route, un discours affirmatif qui ne fonctionne que s’il est martelé à longueur de journées et qui s’effondre dès qu’on lui oppose des arguments, typiquement un discours totalitaire. Le stalinisme, comme ses nombreux avatars, fut sans conteste une tyrannie et une trahison des principes du socialisme. Il ne faut jamais oublier le début des statuts de la Première Internationale : « L’émancipation de la classe ouvrière ne peut être que l’œuvre de la classe ouvrière elle-même » (Karl Marx). Les bolcheviks essayèrent de construire le socialisme de force dans un Etat au prolétariat embryonnaire, un Etat de plus détruit par la guerre civile. D’ailleurs Lénine disait à la fin de sa vie : «Il est évident que nous avons échoué. Nous voulions construire une nouvelle société socialiste avec une formule magique. Alors qu’un tel processus exige des dizaines d’années et plusieurs générations ».

Le socialisme n’est ni le culte du dirigeant, ni la dictature d’un parti sur le prolétariat, ni l’étatisation de tous les moyens de production. Du reste, Marx se moquait de ceux qui confondaient socialisme et nationalisations : « Bismarck serait le plus grand socialiste d’Europe pour avoir nationalisé les postes ». Le socialisme véritable, construit ave une participation active du peuple et non imposé par le politburo, est avant tout démocratique, respectueux du pluralisme et de la liberté d’expression. Le plan, tel que défini par Marx, est un instrument de régulation et d’humanisation, et non une institution bureaucratique quasi-militaire. La propriété socialiste n’est que très partiellement étatique, uniquement pour les services publiques et les institutions. La forme principale d’une économie socialiste est l’autogestion par les travailleurs de l’entreprise, les coopératives ainsi que des petites entreprises privées individuelles ou familiales. Il ne peut non plus y avoir de dictature d’un parti unique, mais un pluralisme démocratique, une large démocratie directe et participative, ainsi qu’une gestion démocratique de l’économie. Aussi nous ne devons pas hésiter à nous affirmer communiste.

Rappelons aussi que Marx a défini le communisme comme : «la reconquête totale de l’homme », pour une société « où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous ». Pour pouvoir rassembler un large mouvement populaire pour la lutte contre l’oppression capitaliste, le Parti Suisse du Travail doit devenir un parti de gauche décomplexée, qui ose être communiste. Nous pourrons alors mener une véritable lutte idéologique contre la droite, la publicité et les médias bourgeois ; non pas une lutte fondée sur une dénonciation stérile comme le font les gauchistes, mais une lutte en combattant l’idéologie bourgeoise par une pensée communiste. Nous pourrons alors fédérer un large mouvement associatif et syndical, cimenté par des idées communistes, et finalement renverser démocratiquement l’oppression capitaliste pour construire de façon tout aussi démocratique une nouvelle société socialiste.